Je pense à toi tout bas…

Chers amis de France,

100_4230_smallQuelques images de la jolie baie de Chesapeake pour vous dire qu’on ne vous oublie pas de ce côté-ci de l’Atlantique, au vu des terribles nouvelles…Moi qui me disais que mes articles étaient un peu pesants, un peu tristes ces derniers temps, je suis navrée d’être rattrapée et dépassée par l’actualité.

Pour l’occasion, je n’ai pas de mots de sagesse, mais j’en partage avec vous, des mots qui m’ont aidée à un moment où j’en avais bien besoin.

Lors de mon dernier dimanche de libre, avant de commencer mon nouveau boulot, je suis allée dans une église baptiste pour faire la fête et entendre des négro-spirituals. C’était raté, car je suis arrivée une demi-heure avant la fin, et je n’ai pu assister qu’au sermon. Mais c’était bien finalement, car le pasteur a dit quelque chose qui m’ a marquée – à l’époque parce que cela me concernait directement de façon personnelle – mais je crois que cela vaut aussi à l’échelle collective :

DSCF8669small« Quand quelqu’un t’offense, quand quelqu’un te fait du tort, prie. Prie pour lui, pour elle, mais surtout prie pour toi-même. Prie car tu vas être tenté, tenté que ta juste et peut-être même ta sainte colère ne se transforme en haine, prie de peur que ta haine ne te détruise ou rajoute encore plus de souffrance à ta souffrance et à la souffrance du monde. »

Des mots d’autant plus forts à adresser à une congrégation afro-américaine, au moment des crimes racistes qui ont eu lieu ces derniers mois aux États-Unis.

Chers lecteurs, n’oublions pas que ce monde est beau et bon, et que nous avons été crées pour être bons et beaux, nous aussi. Continuons à aimer, car l’amour aura le dernier mot – l’amour a eu le dernier mot, même si c’était sur la croix.

On pense à vous.

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Le squelette et le papillon

DSCF8684smallMes amis, le temps file à une vitesse considérable. Nous voilà déjà samedi soir, et je n’ai pas encore posté mon sermon de dimanche dernier – le fameux dimanche de la Toussaint. La Toussaint ici, c’est tellement joyeux que j’en oublie presque que c’est les chrysanthèmes et les cimetières de l’autre côté de l’Atlantique. Aux États-Unis, au moment de la Toussaint, si on croise des squelettes et des citrouilles à tous les coins de rue, au final c’est plutôt convivial : les enfants (et les chiens) se déguisent, on va papoter avec ses voisins et surtout on s’enfile pas mal de sucreries – ce qui n’est pas unique à cette saison de l’année, comme vous avez déjà certainement eu l’occasion de l’apprendre.

Mais chose extraordinaire, à l’église, la Toussaint ce n’est pas triste non plus.

Je ne sais pas quelles sont vos compétences en matière de saisons liturgiques, mais enfin, si vous n’en avez pas, apprenez qu’entre la Pentecôte (que vous connaissez à cause du week-end) et l’Avent (que vous connaissez à cause du calendrier), c’est le temps dit « ordinaire » où il ne se passe pas grand chose – on en profite pour réviser les fondamentaux à savoir : Qu’est-ce que cela veut dire être un chrétien. On lit les paraboles, on révise les grands enseignements de Jésus, et pour marquer le non-coup, dans l’église on se revêt tout de vert : étole, chasuble, linge d’autel (Je ne sais pas dans quelle tête de liturgiste le vert est la couleur de tous les jours, mais enfin c’est devenu la règle). Mais le jour de la Toussaint, on fait une exception et on passe tout en blanc – ce dimanche ça a été d’ailleurs in extremis car les petites mains chargées de préparer l’église avaient oublié, et c’est votre servante qui a refait toute la déco un quart d’heure avant le début du service, pile poil, mon chef était content – comme quoi avoir sous la main une grosse stressée de la vie un peu psychorigide, ça a du bon parfois. Tout ça pour vous dire, le jour de la Toussaint on est content, l’Écriture nous rappelle que Dieu « essuiera toute larme de nos yeux », qu’il n’y aura plus de chagrin ni de deuil puisque Jésus est ressuscité et nous offre la vie éternelle.  Toussaint, « Tous saints » si vous n’avez pas fait le rapprochement.

DSCF8680smallIl faut dire qu’on est très fort pour faire la fête dans mon église, et pour transformer le chagrin en joie. Par exemple, les enterrements, on n’appelle plus ça des enterrements. Déjà parce que c’est rarement un enterrement – les américains préfèrent la crémation, jugée – vous allez rire – plus « écologique ». Enfin, je ne sais pas si c’est plus écologique, étant donné la dose de CO2 dégagée par la combustion, je ne suis pas certaine, mais dans tous les cas c’est assez ironique : Après une vie à rouler en 4×4 et à boire du coca dans des gobelets en plastique, l’américain moyen veut mourir vert et se faire incinérer parce que c’est plus écologique.

Mais enfin, tout ça pour vous dire que l’enterrement devient un non-enterrement car il se déroule en général plutôt autour d’une petite boîte que d’un cercueil. Ou pas. Car c’est une chose assez typique ici aussi, c’est qu’aux « enterrements » dans les églises, crémation ou pas crémation, il n’y a, croyez le ou non, même pas de corps ou de cendres. C’est comme qui dirait, « géré en amont », à l’hôpital, par la maison funéraire. On laisse les spécialistes disposer du corps plus ou moins où bon leur semble, et vous, la famille du défunt, vous venez à l’église pour célébrer la vie. Sans rire. L’enterrement, dans le meilleur des cas s’appelle un « mémorial », dans le pire « Une célébration de la vie de… (notre ami Roger, décédé donc) » ou « Un remerciement pour la vie de… (tante Berthe, trépassée elle aussi) ». « La mort n’est rien » a dit Saint Augustin, eh bien dans l’église épiscopale on prend ça très au sérieux. Les célébrations funéraires (j’essaie de trouver un terme adéquat) commencent par cette citation de Jésus : « Je suis la résurrection et la vie ».

Et donc moi je veux bien, j’ai tout à fait foi en la résurrection du Christ et de facto en la résurrection des morts, mais enfin pour ressusciter, il faut bien commencer par mourir, et si on croit que Dieu doit essuyer nos larmes, c’est forcément parce qu’on aura pleuré un peu, ou beaucoup.

C’est pour ça que cette semaine, j’ai été contente de rencontrer un conférencier, venu parler au séminaire des sermons funéraires (1), qui, lui, se posait la question de savoir si, par hasard, dans l’église, on n’était pas un peu dans le déni. Et là j’ai poussé un ouf de soulagement, car dans tout ce que j’ai vu jusque là j’ai pu noter que dans le clergé, c’est très mal vu d’avoir peur de mourir. Je ne dis pas pas peur de la mort. Quand vous êtes prêtre, la mort, d’une façon ou d’une autre vous finissez par vous y habituer, c’est tout autour de vous : les malades, les hôpitaux, même s’il n’y a plus tant de cadavres dans les églises. Non, je veux parler de la peur de votre mort personnelle ou de celle de vos proches. Vous n’y avez pas droit, vous vous devez d’être dans la confiance, voire dans la jovialité et, si possible, le faire savoir autour de vous. Mon évêque par exemple a pondu un document de 5 pages décrivant son enterrement par le menu : textes, chants et angle du goupillon au dessus du cercueil – et il veut que ses prêtres fassent de même. Après qu’il m’ait relancée pendant des mois, j’ai fini par lui envoyer un mail de de deux lignes lui disant que je voulais un enterrement (pas de petite boîte pour moi), une Eucharistie et que je donnais mon argent aux pauvres. Et que ah, c’était franchement inutile de me rapatrier. Je sais que c’est stupide de faire son testament sur un coup de tête. On nous serine qu’il faut y penser et le faire avec diligence pour être un exemple de quelqu’un qui ne veut pas être un fardeau pour ses proches –  mais moi franchement, je n’ai pas envie d’y penser, et je n’ai pas envie d’y penser car je n’ai pas envie d’y passer. Contrairement à mes petits camarades de messe, moi mourir, ça me terrorise.

Parce que je n’ai pas assez la foi était jusque là la réponse qui s’imposait.

DSCF8713smallPas sûr, me dis-je maintenant à la réflexion, après qu’un théologien de bonne foi – sans mauvais jeu de mots – ait enfin posé la question du déni et surtout après qu’il ait souligné de façon humoristique que les américains ont cette exception culturelle – à tout peuple, à tout temps – de ne pas inviter les morts à leur propre enterrement – entendez par là l’absence de corps aux enterrements, ou la petite boîte, c’est à dire la crémation qui a lieu avant la cérémonie religieuse.

Et c’est à que j’ai pigé un  truc : Un corps mort, ça pèse lourd, c’est présent. Rayer le corps de la cérémonie funéraire, c’est rayer tout qui pèse, littéralement. La peur, le chagrin, la colère. La foi, ce n’est pas dire que tout cela n’existe pas, c’est dire qu’il y a quelque chose de plus que tout cela. Ou au-delà de tout cela. Je veux être un fardeau pour mes proches a dit le conférencier, entendez par là : un malade, un mort ça pèse. On ne s’en débarrasse pas par dessus le mur, par-dessus la jambe, on ne gère pas cela en amont. Je veux être un fardeau pour mes proches, comprenez : je ne veux pas régler tous les détails de ma cérémonie, je ne veux pas m’occuper de tout, car la mort, ça pèse mais l’amour aussi, ça a du poids. Et laisser votre famille gérer votre corps, prendre soin de votre enterrement, c’est leur donner l’occasion de vous aimer une dernière fois. Et j’ajouterai : Peut-être aussi d’expérimenter suffisamment profondément cette existence pour découvrir qu’il y a plus à la vie que cette vie. Et peut-être que c’est ça la foi, non pas ne plus avoir peur, non pas ne plus avoir de souffrance ou de chagrin, non pas peut-être même ne plus avoir de colère, de ressentiment, de péché mais sentir qu’il y a quelque chose de plus grand, de plus profond, de plus lourd. La foi ne vous transforme pas tant qu’elle ouvre une autre dimension – celle de l’espérance.

Un vieux prêtre de ma connaissance (pas dans cette partie du monde) a dit un jour quelque chose que je n’oublierai jamais : Dieu nous révèle la tragédie qu’est l’existence et il nous révèle la grandeur de la foi. Tragédie et espérance : pour avoir la joie vous devez traverser le chagrin, pour ressusciter, vous devez goûter la mort. Pas faire semblant que ça n’existe pas.

Ce qui était à peu près l’objet de mon sermon.

Je suis toujours rassurée quand je rencontre des gens qui pensent comme moi, parce que ça n’arrive pas si souvent que ça et que du coup je doute énormément de moi-même, à peu près tout le temps mais surtout entre minuit et cinq heures du matin (comme vous l’avez compris). Mais cette conférence, c’était un peu un cadeau des cieux. Car une autre chose qu’a dit notre théologien c’est que, d’une façon générale, les sermons de nos jours manquent un peu de poésie. Que ce n’est pas que les gens ne font plus l’expérience de Dieu, mais qu’ils n’ont pas les mots pour reconnaître et décrire cette expérience car ce que notre société a gagné en scientifique, nous l’avons perdu en métaphorique… Cela m’a  rassurée aussi, car je me suis rendue compte que si certes j’ai plutôt peur de mourir – la vérité vraie c’est que d’une façon générale, à force de douter de moi tout le temps (surtout entre minuit et cinq heures du matin (comme vous l’avez re-compris)),  plus souvent et plus simplement, j’ai surtout juste peur passer pour une débile. Et là, pour ce sermon, après avoir parlé des films de Julia Roberts il y a quinze jours, je me suis demandée si parler à mes paroissiens de mon ami papillon de quand j’étais petite, c’était vraiment une bonne idée.

Apparemment, si. Mais comme vous l’avez compris, cet homme a des idées qui ne sont pas celles de tout le monde. Cette semaine, ça m’a suffit qu’il partage les miennes – même si au final bien sûr ce n’est sans doute qu’à moitié rassurant.

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(1) Thomas Long – une pointure dans son domaine, mais soupçonnant que ce nom ne vous dirait rien, je me suis abstenue de le mentionner !
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Je vais bien, ne t’en fais pas

DSCF8236smallJe ne vous ai pas donné de mes nouvelles récemment et pour cause, je ne vais pas super bien. Je n’ai pas la frite disons – c’est surtout que je manque totalement de sommeil. Bien sûr, après y avoir réfléchi un peu, je me suis dit : Aller pas bien et ne pas vouloir écrire, ce n’est pas du tout une excuse. Surtout en France. Vous broyez du noir, vous êtes en dépression ? Mais c’est le moment parfait pour vous lancer dans votre premier roman. Succès garanti ! À ce propos, j’ai lu le dernier roman d’Olivier Adam, justement au cours de mes dernières insomnies. Olivier Adam, d’habitude j’aime bien. Bien sûr, c’est français, bien sûr c’est déprimant, mais dans l’ensemble c’est plutôt touchant, une tristesse un peu tendre et nostalgique, presque apprivoisée. J’oserais même dire : une tristesse qui vous fait du bien. Certains de mes lecteurs comprendront. Ce dernier roman par contre, j’avoue que j’ai eu un peu du mal à l’avaler. Beaucoup de rancœur, de colère – surtout contre les vieux, les riches et les gens de droite – ce qui pour moi revient un peu à frapper son chien : une cible facile et toute désignée, un moyen d’être méchant sans trop se faire remarquer. Mais bref, malgré tout, au milieu de tout ça, quelques perles, on ne se refait pas quand on est un bon écrivain, on est un bon écrivain – et notamment une phrase qui m’a marquée, celle d’un de ses potes qui lui fait prendre conscience que lui, Olivier Adam, est inapte au travail vrai de vrai, avec des horaires un patron et une feuille de paye, qu’il est juste « censé habiter poétiquement le monde, et en rendre compte » et que c’est là sa vocation.

DSCF8246small« Habiter poétiquement le monde est en rendre compte »- ça m’a fait rêver. Plus ça va, plus je me demande si la combinaison travail alimentaire et vocation sont vraiment une bonne combinaison, si je ne pourrais pas me contenter « d’habiter religieusement le monde et d’en rendre compte » – et je ne sais pas, me nourrir comme les petits oiseaux, d’autres ont déjà tenté l’expérience.

Comme je vous en déjà touché deux mots dans un de mes premiers articles, mes responsabilités professionnelles à ma nouvelle église sont diverses et variées puisque mon contrat de travail stipule que j’ai été embauchée pour : « Proclamer l’Évangile, aimer et servir le peuple du Christ, le faire grandir et le fortifier pour glorifier Dieu dans cette vie et dans la vie à venir ». Et maintenant que j’y pense, je me dis quand même que c’est peut-être pas si étonnant que ça que je dorme aussi incroyablement mal depuis un mois. Bien sûr quand je suis allée à ma retraite, j’ai dormi comme un bébé – ce qui me fait dire : il y a un truc qui me stresse ici et comme il y a peu de chances que ce soit Xav ou le chat, ça doit être le boulot. Pas étonnant, vous me direz avec des responsabilités pareilles, si, comme le stipule mon contrat, le salut de mes ouailles repose un peu sur mes épaules – sachant que je ne suis pas déjà pas bien sûre du mien.

Et si je me plante ?
Et si je leur dis ce qu’il ne faut pas ?
Et si, au final, Dieu n’existait pas ?

Vous me direz, c’est un peu tard pour y penser, mais bref, mon nouveau boulot me fournit tout un panel de questions à débattre avec moi-même de préférence entre minuit et cinq heures du matin. Je vous remercie d’avance pour votre sollicitude, mais inutile de m’envoyer des commentaires-conseils, côté sommeil, j’ai littéralement tout essayé : Le magnésium, la mélatonine, la tisane apaisante, les somnifères en vente libre, le paracétamol, le verre de vin rouge, le CD de relaxation, le cocktail de plantes « Rescue », le sport, l’inénarrable Xanax et – j’ai honte de le dire – parfois : un peu tout ça en même temps. Enfin, en espaçant d’une heure. J’ai tout mon temps, de toutes façons, puisque je ne dors pas. Pour vous dire à quel point j’ai tout essayé c’est que m’étant avisé que d’essayer de me relaxer ça ne m’aidait pas, parce que je stressais de ne pas arriver à me relaxer, j’ai essayé l’inverse : ne pas me relaxer, exprès, pour ne pas stresser, ensuite. Me coucher tard après avoir regardé des séries abrutissantes, par exemple. Et bien, certes, ça ne marche pas non plus, mais ce n’est pas pire que ce qui est censé marcher. Non pour l’instant, ma plus grande victoire ça a été de manger des pancakes à la banane et au sirop d’érable (parce que je ne me nourris pas encore comme les petits oiseaux) tout en regardant « Recherche Susan désespérément » : Six heures de sommeil d’affilée une veille de sermon – un exploit. Peut-être que je tiens le bon bout, finalement.

Mais donc, mes activités à mon église sont diverses et variées. Comme vous le savez déjà, je prêche et je célèbre l’Eucharistie mais aussi, je suis responsable de la formation pour adultes. La formation pour adultes, qu’est-ce que c’est me direz-vous, eh bien c’est un peu comme le caté mais différent, du caté pour grands et ça peut être un peu tout et n’importe quoi. C’est souvent du n’importe quoi : littérature, actualité politique, cours de crochet tout, sauf ce qui a vraiment un rapport avec Dieu car, dans l’église, du moins dans la mienne, l’église épiscopale, une sorte de consensus de fausse humilité cléricale part du principe que les gens savent déjà tout, alors que la vérité, bien sûr, c’est que les gens ne savent pas grand chose. Attention, je ne les blâme pas. Je suis tout à fait moi-même en recherche et en questionnement mais au fond c’est ça le problème de la fausse humilité cléricale:

Les gens ne savent DSCF8231smallpas parce que leurs pasteurs ne leur apprennent rien mais les pasteurs préfèrent officiellement penser que les gens savent tout, comme ça les dits pasteurs n’ont rien à leur expliquer, ce qui est bien pratique parce que la vérité c’est qu’ils ne savent pas comment l’expliquer parce qu’ils n’a pas bien compris non plus.

Bien sûr, il y des gens très cultivés dans l’église, des deux côtés de l’autel, et surtout dans ce coin du pays: journalistes, juristes, politiciens. Il y a des gens qui connaissent leur Bible par cœur, et savent même des trucs de folie genre à quoi correspondaient l’Afghanistan, l’Iran ou l’Irak à l’époque du Christ, mais ce n’est pas étonnant parce que l’Iran, l’Irak, l’Afghanistan ils y sont allés, y ont même vécu un peu comme cette petite mamie l’autre jour qui m’expliquait qu’elle parle couramment français parce que dans le temps, elle faisait du renseignement pour la CIA en Allemagne (Je n’ai toujours pas bien compris le rapport, mais apparemment pour les américains, l’Europe, c’est un peu seul pays, peut-être que, dans le temps, elle travaillait avec les Alliés). Tout cela pour dire : Ils sont forts mes paroissiens , j’ai intérêt à être sûre de mon coup et à ne pas dire de conneries. Au final, la géographie j’ai trouvé plus sûr de ne pas en parler du tout. Quand il y a une question géographie, c’est là en général que je fais une pause pipi – pour laisser quelqu’un d’autre répondre à ma place, parce que moi tout ce que je sais avec certitude c’est qu’au temps de Moïse, l’Égypte était déjà au même endroit. Mais bon, je pense que je ne suis pas une mauvaise formatrice non plus parce que le fait est qu’avec un peu d’expérience, j’ai pigé un truc : Si vous voulez apprendre quelque chose aux gens dans l’église, n’abordez pas les questions difficiles. Abordez les questions faciles, les trucs de base, ce que tout le monde doit savoir parce que, à coup sûr, personne ne sait rien là-dessus – puisqu’on en parle jamais. Et du coup, qu’est-ce que je fais pour la formation pour adultes ?

Eh bien, je me découvre en prof chiante : je fais faire des révisions. Des trucs de base, des trucs qu’on oublie tout le temps. Pour mon premier cours, j’ai voulu commencer avec le Credo, vous savez le fameux « Je crois en Dieu, le Père Tout-puissant créateur du ciel et de la terre, de l’univers visible et invisible » etc. mais mon chef m’a carrément interdit. Trop compliqué. Évidemment, le Credo, quand on met le doigt dessus, ça pose des questions : Qu’est-ce que ça veut dire que Dieu est Père ? Est-ce que ça exclut qu’il soit Mère aussi ? Qu’est-ce qu’on entend par Toute-puissance ? Quel genre de pouvoir ça implique ? Tous les pouvoirs y compris les pouvoirs sataniques ? Qu’est-ce que ça veut dire que Dieu a fait le ciel et la terre si la nature est misérable et injuste et que les animaux se bouffent entre eux? Visible et invisible, est-ce que ça implique d’autres univers ? Est-ce que le Christ est le Christ chez les Martiens chez qui il n’a jamais foutu les pieds ? Bref, en une seule phrase du Credo, si vous cherchez un peu, vous avez largement de quoi vous faire plaisir. DSCF8249smallEt ces questions ce sont des questions que la plupart des chrétiens ont en eux mais n’abordent jamais vraiment – bien sûr, moi j’y pense tout le temps et ça me réveille la nuit mais ça, c’est une autre histoire, comme vous l’avez compris – parce que le problème, pour les chrétiens, c’est que les trucs de base personne ne leur explique jamais et du coup, ils ont honte.

Honte de ne pas savoir un truc qu’ils pensent être censés savoir depuis le commencement.

C’est pour ça que pour cette rentrée, on a parlé de la prière. Et je suis d’accord, c’est moins controversé que le Credo – mais surtout : on en a bien besoin. Parce qu’à l’église on passe notre temps à prier, et on dit aux gens de prier mais on n’a pas vraiment idée de ce qu’il faut faire. Et la plupart des gens pensent:

  • qu’ils ne savent pas prier
  • qu’ils prient mal
  • qu’ils n’ont pas le temps
  • que Dieu ne va pas répondre, ou que c’est du 50/5o – donc que ça ne sert à rien généralement

DSCF8254smallIl y a certes une littérature incroyable sur la prière bien sûr, mais la plupart du temps, c’est plutôt décourageant. Déjà que vous n’êtes pas très motivé pour prier, mais si vous devez avant ça vous taper de lire 250 pages autant dire que vous ne prierez jamais. Alors on a un peu fait des révisions, certes, les différentes formes de prières, la méthode ignatienne, la Lectio Divina, le chapelet, la méditation, la prière de Jésus, les fameux bouquins de prière – il y en a littéralement des milliers. C’est un sujet inépuisable, parce que personne n’a trouvé de réponse définitive, de moyen imparable, et c’est ça bien sûr que je voulais aborder.

Car la vérité, bien sûr, c’est qu’avec Dieu – comme dans toutes les choses importantes dans la vie – l’amitié, le sommeil, le bonheur et l’apprivoisement des écureuils – il n’y a pas de mode d’emploi. Et ça a l’air bête à dire, mais je me suis rendue compte que ça rassure vachement de vous entendre dire ça. Parce que tout le monde semble persuadé que Dieu vient avec un mode d’emploi, qu’il y a des gens chanceux pour qui ça marche…et d’autres malheureux pour qui ça ne marche pas.  Et c’est ça le problème, parce que la prière, quoi qu’on en pense,  ce n’est pas quelque chose  qui est censé marcher non plus. Pour le dire de façon un peu directe : Dieu n’est pas un robot multi-fonction ou une machine à café. Voire, Dieu est une personne, et une personne assez indépendante, généralement. Mais c’est là que ça devient intéressant aussi. Parce que vous êtes une personne aussi. Indépendante, à vos moments. Et que vous avez le droit de lui dire tout ce que vous avez dans le cœur, dans la tête. Bonjour, merci, s’il te plaît, pardon. Mais aussi parfois, non, je ne crois pas, je suis en colère, je te déteste. Bref, vous avez le droit d’en faire à votre tête vous aussi. De prier dans les files de supermarché, aux feux rouges, aux toilettes, de dire, un peu comme dans un roman français, des choses belles, stupides, peut-être même parfois méchantes – de dire tout ce dont vous avez besoin. Et si la prière ne marche pas toujours, ne marche pas dans bien des cas, elle porte des fruits. Vous commencez à changer, et votre vie commence à changer, elle aussi.

DSCF8251smallLa vérité, c’est que la prière ce n’est pas Dieu qui est censé vous répondre, quand vous priez, c’est vous qui répondez à Dieu, qui vous invite le premier dans la conversation. Car si Dieu est une personne, il n’est pas non plus quelqu’un d’autre en face de vous, il est en vous, et avec lui, dans votre vie vous vous faites les questions, et vous vous faites les réponses avec lui. Bref, vous entrez dans son intimité. Alors allez-y lâchez-vous, avec Dieu, ne pas aller bien n’est pas du tout du tout une excuse pour ne pas lui parler. Cela dit, vous n’êtes pas obligé de parler non plus – vous pouvez prier en silence, sans mots, avec votre corps, avec des gestes. Vous pouvez prier comme vous respirez, juste en vivant avec intention.

Mes paroissiens ont commencé à se décontracter. Je ne sais pas s’ils ont pigé, mais au moins, ils ont posé des questions. Une mamie – pas la mamie espionne trilingue – juste une mamie normale qui doit être dans l’église depuis environ 90 ans s’est complètement décomplexée et m’a même dit : « Ben alors, par quoi on commence ? ». À quoi j’ai répondu : « On s’assied, et on parle avec Dieu ».

Ça va sans dire bien sûr, mais enfin, ça va mieux en le disant.

À la fin, pour finir de décontracter tout le monde, je leur ai même cité cette prière que j’aime bien : « La complainte cosmique »

Une prière à dire
quand la vie t’achève
que tu as l’impression que tu vas crever
que tu es bien trop claqué pour prier
et de toutes façons tu n’as pas le temps
et en plus tu en veux à tout le monde :
« Au secours, aide-moi ! »

Une prière qui bien sûr pourrait m’être utile en ce moment. Une lectrice fidèle me demandait l’autre jour si dans l’église anglicane, les prêtres disent aussi leur bréviaire. Nous avons en effet une prière du matin et du soir, avec des hymnes, de psaumes et des extraits de l’Écriture à lire tous les jours. Mais comme c’est l’église anglicane, vous n’êtes pas obligé non plus. Avec Dieu, c’est comme dans la vie : vous avez besoin de structure, mais c’est rarement dans la structure qu’on s’éclate le plus. Un peu comme au boulot, finalement. Mais bon, les offices, je les fais en général, même si je m’endors un peu dessus en général.

Tiens-donc.

Peut-être qu’au final, pour retrouver le sommeil, je devrais réfléchir un peu moins, et prier un peu plus.

Mais vous savez ce que c’est, ce sont souvent les cordonniers les plus mal chaussés. Tenez, à écrire cette après-midi à écrire cet article, j’en ai oublié de dire mon chapelet !

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Dieu est grand et je suis toute petite

DSCF8437Pendant ma retraite, je n’ ai pas fait
grand chose
Je me suis
un peu enfuie
Imaginez entrer dans une pièce où il y a cent cinquante prêtres
Flippant
Même quand vous en êtes déjà un !

DSCF8502Il y a eu quelques cours
mais je n’ai rien écouté
C’était comme plonger dans une soupe de mots sourds, aveugles et muets.
Heureusement dehors l’automne m’attendait
Tout à la fois joyeux et triste, comme à son habitude
Et un peu comme moi.

DSCF8460Et j’ai pu offrir ma prière
aux arbres, aux racines
au vent qui emporte au loin
tout ce qui est mort, inutile et bruissant
Mais comme chaque fois que je me dis
que je vais prier pour des trucs importants
comprendre le sens de ma vie, mes profonds désirs, mes comme qui dirait
aspirations

DSCF8455Je me plonge en silence au fond de mon cœur
et c’est toujours la même chose que j’entends
les battements
comme une main dans la nuit qui martèle
une porte trop longtemps verrouillée sur ses gonds.
Comme chaque fois que je plonge en moi-même
je reviens avec une seule et unique question
à offrir à Dieu aux hommes et au monde

DSCF8537Qu’est-ce que c’est ce manque à l’intérieur
Qu’est-ce que c’est ce vide
comme une bouche qui m’aspire à l’extérieur de moi
qu’est-ce que c’est ce cri qui prononce des mots inaudibles et indicibles.
Mon cœur fond comme un bloc de cire dans ma poitrine
Est-il écrit dans la Bible
Une prière que l’on peut offrir au Tout-puissant.

Mon cœur est enserré par une main invisible, aux ongles longs
certains jours, mon cœur peut à peine respirer.
Angoisse, j’écris ton nom !!

DSCF8542Jésus a failli mourir d’angoisse, est-il écrit dans la Bible
Dieu a envoyé son fils dans le monde
au milieu du monde, au milieu des gens
Et il a failli mourir d’angoisse
avant d’être assassiné par les hommes
avec la bénédiction des religieux et l’autorisation de l’État
Une prière que je peux offrir au pied de la croix.

DSCF8485Peut-être que je n’ai rien d’autre à offrir
que le vide au fond de moi
et peut-être que c’est bien comme ça.
On peut vivre avec l’angoisse
On peut mourir avec, aussi parfois.

Il faut bien mourir de quelque chose n’est-ce pas ?
comme on disait avec la sagesse de nos seize ans
quand on fumait des clopes en cachette au lycée
Il faut bien mourir de quelque chose –
mais il faut bien vivre pour quelqu’un aussi.

DSCF8493Angoisse, j’entends ton nom
autour de moi
dans les conversations
She was so anxious to succeed
He was so anxious to visit them
En anglais, être anxieux
ce n’est pas être un sale dépressif, un malheureux, une malade à soigner rapidement

DSCF8496être anxieux, c’est avoir hâte
être anxieux, c’est vouloir tellement
être anxieux, c’est avoir un si grand désir
au fond de soi
comme un grand vide qui peut vous engloutir
ou comme un grand vide que je peux offrir
à Lui qui est tout autre que moi.

DSCF8463J’ai si ardemment désiré manger cette Pâque avec vous
a dit Celui qui a été envoyé dans le monde
Moi aussi, j’ai si ardemment désiré partager ce repas de l’existence avec toi !

Merci mon Dieu de m’avoir donné un si grand désir
Merci mon Dieu de m’avoir donné un si grand manque de tout,
de toi.

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Man in black

DSCF8351La consécration, ça n’avait pas l’air comme ça mais c’était mille personnes sur le campus, une retransmission en direct pour les personnes qui n’ont pas pu avoir accès à la chapelle, micros, vidéo…

Xavier a travaillé comme un fou pendant des semaines, essayant de tout organiser pour faire tout fonctionner, s’étonnant au passage qu’il n’y ait apparemment pas de « responsable du projet »…Je lui ai suggéré que c’était peut-être lui, par défaut, le responsable du projet.

En tous cas, je ne compte plus les gens qui me disent voir :  » courir Xavier de partout sur le campus ». Un régime sain pour un informaticien qui ne se contente pas de pianoter sur son PC, mais se révèle un véritable homme de terrain. Bien sûr, j’ai quelques mérites aussi : La consécration, il n’a parlé que de ça pendant un mois. Mais bref, vous l’avez compris, c’était son truc. Et tout s’est passé merveilleusement bien.

Et en plus de tout le reste, le jour J, il a pris des photos. Pour vous mettre dans l’ambiance vous aussi, je vous laisse en découvrir quelques unes (moins une, qui est de moi, mais j’ose espérer qu’entre conjoints, on ne va pas se disputer les droits d’auteur…)

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La folie des grandeurs

Dieu a le sens de l’humour – paraît-il.

Je ne suis certes pas une théologienne émérite (bien que je m’y applique) donc je ne veux pas parler pour tout le monde, mais quand même, je sais qu’avec moi, Dieu aime bien blaguer un peu. Je ne lui en veux pas, c’est de bonne guerre. J’aime bien blaguer sur lui aussi. Mais du coup, je me réveille parfois la nuit avec des visions du jugement dernier où d’un coup Jésus est face à moi et voilà ce n’est pas du tout le Jésus que j’imaginais, le Jésus du blog, de Julia Roberts, le Christ complice et amoureux. Non, dans ces moments là, c’est juste un Jésus – pas méchant mais enfin – un Jésus sérieux, normal, devant qui je meurs de honte en pensant à toutes les bêtises que j’ai raconté dans ma vie – en pensée, en paroles, en chaire et en ligne. Ce n’est pas cauchemardesque notez-bien, l’apocalypse je ne vois pas ça comme un feu éternel, avec des diablotins qui m’attrapent les jambes – non, je m’imagine juste rouge jusqu’aux oreilles en me tordant les mains devant mon divin Maître, réalisant que toute cette affaire, au fond, c’était vraiment sérieux et que j’ai peut-être pris les choses un peu à la légère.

À ma décharge, comme vous vous en êtes peut-être rendu compte, ma désinvolture est souvent assez didactique. Jésus a dit à ses disciples: « Vous serez des pêcheurs d’hommes », et je me plais parfois à m’imaginer en une sorte de Columbo clérical qui ferre le poisson en ayant l’air de pas y toucher, qui sous ses airs un peu rêveur et parfois carrément à côté de la plaque, pose juste la bonne question au bon moment.

Et donc croyez-le ou non : à bon chat bon rat. Il ne faut pas non plus s’étonner de trouver en Dieu un adversaire à sa taille.

Voilà ce qui s’est passé :

Comme j’ai pu l’observer dans de récents articles, mon lectorat étant relativement limité, et assez majoritairement catholique, j’essaie d’éviter des sujets trop controversés – la religion catholique elle-même, et surtout le bon pape François. Comme je lui avait déjà plus ou moins taillé un short dans un précédent article, je me suis récemment abstenue de faire plus de commentaires mais la venue dudit pontife dans la capitale washingtonienne a quand même été pour moi largement matière à réflexion, et surtout une source inépuisable de rumination et maugréation. Et donc à défaut d’écrire des articles critiquant le Pape, je me suis retrouvée à lire des articles encensant le Pape – parce que j’aime bien me faire souffrir et surtout j’aime bien m’indigner – et cela à peu près tous les matins pendant 15 jours en dépiautant le Washington Post au petit déjeuner. Car le Pape, bien sûr, il y a eu l’avant, le pendant et l’après – ça fait deux mois que ça nous occupe. Et donc lundi dernier je grinçais des dents (entre deux bouchées de bagel) en découvrant une double page consacrée à une famille dont la rencontre avec le Pape – et surtout la bénédiction que le Souverain Pontife avait accordé à leur fils handicapé – avait visiblement transformé l’existence. Et bon, je ne dis pas, c’est tant mieux pour eux mais quand même. Au bout de deux pages à décrire comment ils avaient retrouvé joie, espoir et foi dans la vie grâce à un seul geste du Pape, à un moment donné le journal m’est presque tombé des mains, je me suis dit : « C’est pas possible, est-ce qu’ils ne connaissaient pas Dieu avant de rencontrer le Pape, est-ce que ce n’est quand même pas plus important ? »

C’est là que Xavier a été content de bénéficier de ma sagesse matinale quand j’ai pu décrire en long en large et en travers le bonheur d’être devenus de vrais protestants – dont je n’avais pas tellement pris conscience auparavant – une forme de christianisme qui nous permet d’honorer le vrai Dieu, à l’abri du culte des vieillards, des reliques et des images bénites. Pas besoin pour nous de nous ruer au centre ville pour toucher un pan de la chasuble sacrée – Dieu, il est dans la Bible, c’est bien connu. Et donc au final, après avoir glosée sur la pureté et la véracité de l’anglicanisme et surtout après m’être extasiée sur ma propre maturité spirituelle, j’étais prête à passer une bonne journée – fraîchement douchée et baignée dans les délices de l’auto-satisfaction.

C’était bien sûr sans compter sur l’humour divin.

La semaine dernière au séminaire, c’était la consécration de la nouvelle chapelle – consécration qui a fait venir sur le campus tous les grands pontes de notre église. De gauche à droite – car je ne suis pas sûre que vous y reconnaissiez vos petits – Michael Curry, Président de l’église épiscopale dans quinze jours, Katharine Schori, actuelle Présidente de l’église épiscopale pour encore quinze jours, Justin Welby, Chef de la communion anglicane, Frank Griswold, ancien President de l’église épiscopale, et enfin, plus modestement, notre doyen à nous au séminaire – le chef de Xav si vous préférez.

DSCF8332smallJe me suis bien entendu rendue à l’événement avec toute la dignité et la retenue nécessaire.

Nous sommes après tout des protestants – ce qui ne saute pas forcément aux yeux sur la photo ci-dessus où on se dit que quelque part la simplicité luthérienne et la rigueur calviniste ont eu un accident d’avion en traversant l’Atlantique – ou en tous cas ont pris un sérieux coup dans l’aile. L’occasion, il est vrai, était belle, et le séminaire a mis le paquet. Xavier m’avait prévenu. Non content de consacrer le sanctuaire, la bénédiction allait s’étendre à chaque élément du décor : la croix, les fonds baptismaux, la chaire, l’autel, les cloches avec tout le tralalala, exaspérée j’ai demandé à Xav s’ils n’allaient pas bénir encore autre chose – une réflexion somme toute assez vulgaire dont je ne suis pas très fière et que je ne répéterai pas ici. Mais bref, vous voyez le tableau: Encensoir et goupillon, cierges et carillon : on se serait cru au Vatican.

Du coup, pour préserver ma pureté religieuse bien pensante, je me suis planquée au fond du sanctuaire, au dernière rang, dans un coin – bien contente de participer  – pour m’indigner certes – mais enfin c’était joli en plus et sympa de voir toutes ces têtes connues.

DSCF8377Et c’est là qu’intervient l’ironie divine car après les fonds baptismaux, les cloches et l’autel il restait en effet encore une autre chose à consacrer : une très belle icône de la Vierge (sobrement appelée « Icône de l’Incarnation »). Une icône qui se trouve dans la chapelle…

tout au fond, au dernier rang, dans un coin.

Et donc Jésus a dit « Les derniers seront les premiers », mais peut-être aussi « Rira bien qui rira le dernier ». Car c’est là que sans même avoir eu le temps de me rendre compte de ce qui se passait, je vois en ralenti cinématographique l’archevêque de Canterbury se diriger vers moi. L’archevêque de Canterbury si vous n’avait pas idée, c’est comme l’évêque de Rome dans la religion catholique – le Pape. Exactement. Bien sûr, ce n’est pas comme à Rome, on n’est officiellement pas censés lui obéir, il a une autorité « spirituelle » mais pas  « doctrinale » si vous me suivez – pas d’infaillibilité archevéquiéchiale – mais enfin, après toutes ces circonvolutions, c’est quand même le grand chef quoi. Et donc voilà le grand chef qui se dirige vers moi, avec tout son bardas, sa crosse, son encensoir et son bulletin et le grand homme, n’ayant malgré tout que deux mains pour bénir et prier, se retrouve bien encombré au moment de lire son texte.

C’est là que n’écoutant que mon instinct ecclésial,  j’interviens, attrape le bulletin et lui pointe du doigt les lignes qu’il doit lire.

Et c’est ainsi qu’au cours de la prière, mes amis,  une chose incroyable survient : Je commence à avoir les jambes qui se ramollissent et les mains qui tremblent un peu. Moi, Fanny, curé de zone résidentielle, blogueuse blagueuse, Columbo du sermon, me voilà en train de faire une bénédiction avec le Pape des anglicans. L’homme Justin, lui aussi affable et modeste, après avoir fini la prière, s’adresse ensuite à moi, me regarde dans les yeux et me remercie chaleureusement. Je réussis à articuler laborieusement un : « You’re welcome, it’s  an honor  » faisant face au grand maître rougissante, me tordant les mains, et pour tout dire, carrément au bord des larmes.

 TIME OF MY LIFE

capture-3Dieu, paraît-il, a le sens de l’humour.

Un humour indulgent et didactique bien sûr, qui m’a fait prendre un peu de recul sur certaines de mes convictions – un humour qui permet de regarder avec plus de tendresse des convictions et des sentiments qui ne sont pas les miens… mais qui au final sont aussi les miens aussi, évidemment. À ma retraite ce week-end, on nous a rappelé que Gustavo Gutiérrez, un des tenants de la théologie de la libération, grand chantre de l’égalité sociale, aussi communiste  que la foi puisse le permettre, a déclaré un jour que le sens de la justice ne vaut rien sans la tendresse du cœur.

Cette leçon vaut bien un prélat, sans doute.

La preuve que Dieu ne m'en veut pas : un joli arc en ciel m'attendait à la sortie...

La preuve que Dieu ne m’en voulait pas : un joli arc en ciel m’attendait à la sortie…

En guise d’épilogue: Ayant quitté le séminaire un peu en avance, je retourne à l’église, et c’est alors que mon chef, qui n’avait rien suivi de l’affaire, me demande, pour me mettre en boîte, si j’ai pu « concélébrer avec l’archevêque de Canterbury »… L’humour divin est un humour à tiroirs, ou plutôt un humour sans fonds.

Ce qui n’est pas surprenant. Si on y réfléchit.

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Juste une mise au point

100_2986_smallMes chers lecteurs, je suis dans un état, je vous dis pas.

Ça tombe bien, je pars en retraite à la montagne trois jours, à Shrine Mont, littéralement – et très bibliquement – « le sommet de l’autel ».

Tout un programme.

Mais le changement sera sans doute profitable, ces derniers temps les seuls sommets que j’ai atteint, outre ma rencontre avec l’archevêque de Canterbury que je n’ai pas encore trouvé les mots pour vous le raconter, les seuls sommets que j’ai atteint donc ont été le pic d’angoisse (où comme vous le savez j’ai comme qui dirait une résidence secondaire).

Une retraite sans PC, sans chat, sans mari – juste Dieu, moi, mon livre de prières, mon tube de Xanax qui enlève l’anxiété du monde et la moitié du clergé de Virginie.

Une petite pause pour me reposer et me détendre, manger, dormir, trouver la paix, la joie, la sérénité, me faire des amis et faire des nouvelles connaissances, me rapprocher de Dieu et savoir qui je suis et ce que je veux dans la vie.

Je vous tiens au courant.

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Love, actually.

Avec mon chef, c’est un peu la compet’.

Bien sûr, dans le clergé, ça ne se fait pas d’être compétitifs. On est là pour s’aimer et pour s’entraider les uns les autres. C’est pour ça que quand j’ai passé mon entretien d’embauche et qu’il m’a  dit – par deux fois – qu’il n’était pas du tout compétitif, j’ai tout de suite pigé le truc, confirmé par ma psy: si tu as besoin de le dire c’est que tu as besoin de t’en assurer car tu n’en es pas bien sûr. Dans tous les cas, Dieu reconnaît les siens, ou en tous cas les gens compétitifs se reconnaissent entre eux: Depuis quarante ans que je suis première de la classe, moi aussi je sais faire semblant d’être modeste.

Et du coup ça a commencé très fort –  à la washingtonienne avec du « throwing name ». J’ai prêché devant le directeur du FBI ? Mon chef a fait son premier sermon devant Colin Powell. J’ai donné la communion à Obama? Mon chef a un paroissien qui a résolu la crise des otages de l’ambassade américaine en Iran (à se demander si ses sermons n’ont pas influencé le négociateur). Au final, il m’a eu. Pas sur des trucs de prêtre – mais question vie privée, il assure. Mon chef, il a rencontré sa femme dans l’Empire State Building, et la première fois qu’il l’a embrassée c’était au sommet du Rockfeller Center. Pour vous rafraîchir la mémoire, si besoin est, j’ai rencontré Xav « Salle Abeille » à la Maison de la Nature et de l’Environnement, et la première fois qu’il m’a embrassé c’est parce qu’il avait trop bu (et le pire c’est que c’était moi qui l’avait fait boire pour arriver à mes fins). Vous noterez au passage que nous avons quand même un mariage heureux, comme quoi il faut parfois savoir forcer un peu le destin et les informaticiens timides. Mais bref – je ne pouvais par raconter ça à mon chef – et je n’ai trop rien dit. Au passage, ne soyez pas trop surpris de cet étalage d’informations personnelles. Aux États-Unis, on s’appelle Pat et Bobby au deuxième coup de fil, et c’est une question traditionnelle de demander aux couples comment ils se sont rencontrés.

Cependant ce week-end j’ai marqué des points et l’ego de mon chef en a pris un coup. Mon mari, je ne sais pas, mais moi, je peux être romantique si je veux. Ce dimanche, j’ai prêché sur l’histoire du jeune homme riche en utilisant le film : « Coup de foudre à Notting Hill ». J’ai dit (habilement) que Jésus qui apparaît au jeune homme riche, c’est comme Julia Roberts qui rend visite à Hugh Grant. C’est un amour difficile et exigeant, mais est-ce que ça ne serait pas idiot de dire non juste parce qu’on préfère le train train quotidien? L’idée si vous voulez, c’est que dans le christianisme, on a plein d’idées sur tout, sur ce qu’on doit faire ou ne doit pas faire, mais qu’on oublie d’être vraiment amoureux et que même si c’est dur pour un simple mortel de suivre le Fils de Dieu – comme pour un simple libraire de sortir avec une star hollywoodienne – est-ce que ça ne vaut pas le coup de faire quelques sacrifices pour vivre un grand amour?

Et ben les paroissiens, ça leur a bien plu. La plupart sont venus me voir en me disant qu’en effet, c’était vraiment une idée géniale de penser à aimer Dieu. Qu’avec tout ça, à l’église, entre le caté, les comités de soutien, la chorale, les diverses collectes et les réunions paroissiales, ils avaient presque oublié. D’aimer Dieu. Et de se laisser aimer, tout simplement.

Et mon chef, il ne s’en est pas remis. Ce dimanche, il m’a entendu prêcher au premier service mais pour le deuxième service il est allé célébrer à la maison de retraite à côté de notre église. Quand il est revenu, il m’a dit : « J’ai dû prêcher sur le même texte que toi, mais je n’ai pas pu parler de Julia Roberts – je n’ai pas vu le film ». Je lui ai dit qu’il ferait bien de le voir, comme ça il pourrait prêcher sur Julia Roberts l’an prochain et il a convenu que c’était une bonne idée. Et il s’est posté à la sortie de l’église pour distribuer des copies de mon sermon.

Je fais la maligne et je fais semblant de ne pas être modeste, mais ce sermon m’a coûté quelques nuits blanches car croyez-le ou non, je me suis pas mal demandée si c’était une si bonne idée que ça – de comparer Jésus et Julia Roberts. Au final, je ne sais toujours pas mais bon, du coup j’ai fait ma première conversion: Mon chef a avoué son ignorance et va se mettre à regarder des comédies romantiques. Je suis outrée au passage que les américains connaissent aussi mal leur patrimoine culturel.

Je vous laisse lire en paix et j’envoie une carte postale au premier qui trouvera le francisme (Tout en sachant que ce sera bien sûr Maman).

Sermon 1011

Xavier et moi, cet été, au sommet du Rockfeller Center. On s'est embrassés et il était à jeun - mais quand même, c'était après huit ans de mariage.

Xavier et moi, cet été, au sommet du Rockfeller Center. On s’est embrassés et il était à jeun – mais quand même, c’était après huit ans de mariage.

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A walk on the wild side

Aux États-Unis, si vous voulez faire du sport, il vaut mieux avoir le moral.

Enfin, je dis aux États-Unis, j’en sais rien, au bout de quatre ans, je commence à oublier comment ça se passe de l’autre côté de l’Atlantique – de ce que j’en apprends maintenant en France on mange des bagels, des cupcakes et même paraît-il des eggs sandwiches, une nouveauté dont mon cœur ne saurait trop se réjouir – l’œuf étant sans doute mon plat préféré (notez au passage ma gastronomique simplicité). Si vous n’êtes pas au courant des innovations culinaires dans votre propre pays, apprenez qu’un egg sandwich, aussi surprenant que ça puisse paraître, c’est un sandwich avec des œufs dedans – si – mais le truc c’est que vous faites revenir les tranches de pain dans l’huile, les œufs ne sont pas durs, mais frits, « sunny side up », comme on dit ici car le jaune d’œuf, les américains ça leur rappelle le soleil (notez au passage leur optimisme légendaire) et vous rajoutez par dessus une couche de cheddar fondu, et, à loisir : jambon, bacon ou saucisse – et ça rentre dans le sandwich car il y a des saucisses plates aux États-Unis, comme il y a des boulettes de viande végétariennes (meatless meatball) et du poulet végétarien, un truc que Xav a récemment découvert à mes dépens alors qu’en réunion du soir je le laissais shoper et nous préparer le dîner. Bref, tout ça pour vous dire : je me réjouis pour vous que l’egg sandwich arrive en France car c’est vraiment la meilleure chose au monde, il m’arrive souvent le midi d’aller au resto en bas de chez moi pour manger un egg sandwich avec un bol de fruits et un café chaud – l’egg sandwich, pratique, économique, vite préparé c’est une nourriture de petit déjeuner bien sûr, mais l’avantage ici c’est que les plats de petit-déjeuner sont aussi servis le midi, et tant mieux car c’est à mourir, to die for comme on dit ici.

Ce qui est loin d’être faux si vous réfléchissez deux secondes et imaginez le nombre de calories et le taux de cholestérol qu’il peut y avoir dans un egg sandwich avec la triple combinaison gagnante pain frit / oeuf frit / fromage frit. Je ne vous dis même pas ce qui arrive si vous rajoutez du bacon, et si vous l’accompagnez, comme c’est souvent le cas, de patates frites.

Alors les américains sont-ils obèses ? Me demanderez-vous – mais en fait non, la plupart des français partent du principe que les américains sont tous obèses – et bien je vais vous opposer une sérieux démenti: eh bien non, absolument pas. Du moins, dans les contrées civilisées.

Pour tout vous dire, mon dernier séjour à Manhattan m’a foutu le moral à zéro. Vous savez les filles dans les magazines, quand tout le monde vous dit qu’elles sont photoshoppées, et qu’un corps de femme comme ça, ça n’existe pas ? Eh bien non – oubliez – deuxième démenti: un corps de femme qui mesure 1,85m et qui pèse 4o kilos, ça existe tout à fait. Et il y en a des paquets. Et quand vous les voyez défiler dans la rue vous vous demandez presque si dans les magazines elles ne sont pas plutôt photoshoppées pour paraître un peu plus grosses, et avoir figure humaine. Parce que bien sûr, mince à ce stade là c’est carrément moche mais quand même – quand vous vous levez de bonne heure rise and shine pour vous faufiler dans le bouiboui du coin qui vous sert vos  two eggs sunny side up avec vos trois pancakes et sirop d’érable (sirop qui n’a jamais vu un érable, c’est tout du high fructose) : eh bien, même si au fond de vous-mêmes vous le savez que ce n’esWP_20150523_08_54_13_Prot pas si joli que ça pour une grande dame comme vous de peser 40 kilos, même dans l’hypothèse où vous seriez habillée en Armani des pieds à la tête, vous ne pouvez pas vous empêchez de  bêtement culpabiliser. Et, éventuellement, d’avoir l’impression d’être un gros pachyderme.

D’où le sport – bien sûr.

Parce que j’exagère un peu avec les filles de Manhattan – qui je pense n’ont pas vu un œuf ou un bout de fromage depuis environ 150 ans – je ne parle même pas d’egg sandwiches-  mais les citadins moyens réussissent quand même à garder la ligne, plus ou moins, et malgré leur régime désastreux, parce qu’ils font du sport. Tout le temps. Genre, ils se lèvent à cinq heures du mat pour aller courir, leur grand truc, version suburbaine :  avec la poussette et le chien, ou en version plus urbaine : l’inénarrable salle de gym.

Parce que la salle de gym, j’y vais bien sûr – surtout depuis mon dernier séjour à Manhattan, j’ai pris de bonnes résolutions. Et c’est là que ça devient carrément déprimant. Les machines comptent tout: vous vous mettez sur un truc pour pédaler ou pour ramer gentiment, la machine vous donne le nombre de tour minutes, nombre de pulsations minutes, nombre de mètres parcourus, moyenne à la minute, et surtout bien sûr, le nombre de calories perdues.

WP_20151012_09_23_23_ProEt du coup vous vous rendez compte tout de suite qu’après 15 minutes à pédaler et après avoir parcouru 6 miles, vous avez tout de suite perdu 80 calories – ce qui est génial car épuisée par l’effort, vous rentrez à la maison, vous mangez une banane et vous vous rendez compte que tout est à recommencer. C’est pire maintenant avec la mode du « fitbit » un petit bracelet que vous portez au poignet et qui décompte même le nombre de pas que vous faites par jour – c’est limite si le truc ne vous fait pas une analyse de sang et d’urine au passage.

Bref, Heidegger l’a dit il y a déjà presque 70 ans: le monde moderne c’est le royaume du dénombrable, du quantifiable, on n’arrive pas à laisser ce qui est être. Tout doit être utile, utilisé et justifié. On démembre la nature et on appelle ça le progrès. Et j’ouvre les yeux et réalise que moi qui étais si contente d’être partie de Grenoble pour échapper aux sportifs de tout bord et ne plus entendre des: « Alors qu’est-ce que tu as fait ce week-end?  » –  Non pardon – pour ne plus entendre des: « Alors tu es allée skier / surfer / randonner où ce week-end? », me voilà tombée de Charybde en Scylla – du Dauphiné en Virginie.

Alors ce week-end, on est retourné faire du sport façon vieille école – façon Grenoble. Se balader juste pour le plaisir de se balader, marcher , respirer, entendre les bruits de la nature, se tordre les pieds sur les cailloux, garder les yeux sur les balises pour ne pas se paumer, ne pas s’approcher trop près pour éviter de tomber dans le vide.

Des siècles, avant Heidegger, Héraclite l'a dit "On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve"- ce qui est très vrai du côté des chutes du Potomac. Si vous vous baignez une fois, cela risque bien d'être la dernière...Les Park Rangers vous souhaitent tout de même une bonne journée !

Des siècles, avant Heidegger, Héraclite – pour souligner l’impermance des choses – a dit « On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve ». C’est très vrai du côté des chutes du Potomac : si vous vous baignez une fois, cela risque bien d’être la dernière..Les Park Rangers vous souhaitent tout de même une bonne journée !

Sans un bidule qui compte le nombre de pas à la seconde et de calories à la minute.

Croyez-moi, ça fait un bien fou – laissez l’étant être et l’être se détendre. Heidegger avait raison.

Le lieu est à vingt minutes de mon église – comptez le double avec les bouchons car tout Washington vient là pour prendre l’air et se détendre – et ça s’appelle Great Falls – les chutes du Potomac si vous voulez.

Bien sûr c’est encore du sport à l’américaine, il y a un grand parking et des accès handicapés, un gift shop et des WC, des Park rangers et des panneaux partout pour vous dire comment éviter de mourir…et bien sûr, il y a un stand de frites et de hot dogs, et une fontaine à Coca. Par contre, je ne suis pas allée vérifier s’il avaient des eggs sandwiches.

Allez, je vous laisse apprécier en images ! Car une chose est sûre, c’est plus joli qu’une salle de sports…

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Substitute for Love

WP_20150905_12_41_09_ProQuand ma mère m’a offert cette étole pour mon ordination, je n’ai rien trop osé lui dire.

Mais puisqu’à en croire les commentaires que je reçois sur mes articles, elle est à peu près (avec Xav) ma seule lectrice, je vais en profiter pour passer à des aveux complets. Ce blog, en plus d’avoir une vocation communicationo- culturo- spirituelle et divertissante va devenir, pour sa quatrième édition, carrément psychothérapique. J’en profite quand même pour lancer un appel à témoins : Homme, femme, veau, vache, cochon, qui que vous soyez, si vous êtes tout sauf ma mère, s’il vous plaît: laissez un commentaire sur ce blog avant que ça ne tourne en tragi-comédie woody allienique. Merci.

Mais reprenons. Quand ma mère donc m’a offert cette étole pour mon ordination, donc, je n’ai trop rien osé lui dire. D’abord parce que ça a été un peu compliqué de trouver quelque chose  – à sa décharge la plupart des filles demandent à leur mère de leur offrir des pulls ou des boucles d’oreilles, pas des cadeaux d’ordination. Ensuite, ça m’a fait super plaisir aussi. Mais voilà, passé le moment de joie et de surprise où j’ai déballé mon cadeau et me suis écrié : « Magnifique, une étole avec le sacré-cœur de Jésus », dans le même mouvement rétroactif de conscience réfléchissante: je me suis dit « Et merde, une étole avec le sacré-cœur de Jésus ». Le sacré-cœur de Jésus, symbole hautement catholique, les jésuites et les bonnes sœurs, la Contre-Réforme, l’adoration du saint-sacrement, bouter les protestants hors de France – ce qui, vous le remarquerez me concernant, est toujours d’actualité. Comment porter une étole avec le sacré-cœur de Jésus quand on est un prêtre anglican? Et bien: Pas. D’après « Jim », spécialiste de la liturgie au séminaire, à qui j’étais allé poser la question, étole en mains, le Sacré-cœur de Jésus, c’est : « Vraiment le seul mouvement spirituel que nous ne partageons pas du tout avec les catholiques ».

Bien joué Maman. Mais bien sûr en France, quand on vous vend une étole, on vous vend une étole catholique avec des symboles catholiques. Vous vous attendiez à quoi, franchement? Mais donc, moi jeune prêtre anglicane scrupuleuse, j’ai dit merci maman et pendant les premiers mois suivants mon ordination, j’ai gardé mon étole au placard, l’essayant de temps en temps à la maison, comme d’autres enfilent leurs talons hauts en se disant que c’est bien beau, mais que ce n’est pas raisonnable de sortir comme ça. Et puis vous savez, une chose en entraînant une autre, j’ai commencé à la porter en catimini quand je faisais des Eucharisties en semaine et que j’étais toute seule dans l’église. Puis toute seule le dimanche. Puis avec les recteurs avec qui je célébrais, en leur demandant « si ça ne les gênait pas ce symbole catholique ». Puis je me suis mis à la porter tout le temps – sans poser de questions à personne et tant pis pour Jim, car croyez-moi ou non, je me suis rendu compte que tout le monde s’en foutait éperdument. Les seules remarques que j’ai eu – tout le temps – ça a été « mais c’est bien joli cette étole mais d’où ça vient de France évidemment ils ont tellement du style, unbelievable, on ne trouverait jamais ça chez nous »- pour un peu je leur disais que c’était du Christian Lacroix (remarquez le jeu de mots au passage).

100_3927smallMais bon –  tout ça pour vous dire: avec le temps, j’ai pris de l’assurance et je me suis enhardie. Et pour vous dire à quel point je n’ai plus peur de rien, ce dimanche, j’ai même poussé le bouchon jusqu’à accessoiriser l’étole avec un chaton aimanté, mieux connu sous le nom dit du « substitutif » – un compagnon de voyage qu’on a récupéré un jour à la gare de La Part-Dieu et qui nous accompagne parfois lorsque notre chat Tao doit rester à la maison. Le coup du substitutif, on a expliqué ça un jour à des copains qui nous ont trouvé « rigolos » d’avoir un chat de remplacement, mais on a bien lu dans leurs yeux que c’était sans doute plutôt « farfelu » voire limite un peu débile. Certes, je ne dis pas, mais je dis aussi: on a des besoins affectifs ou pas, c’est selon, mais chacun gère à sa manière et la manière la plus simple et efficace de gérer un besoin affectif, c’est quand même un chien ou un chat, en peluche ou pas.

Vous remarquerez que j’ai habilement transitionné de ma mère à mes problèmes affectifs, du sacré-cœur au cœur de mon article – les chiens et les chats –  car c’est là que j’en viens enfin à mes moutons, parce que bien sûr, ce dimanche c’était la St François d’Assise et à l’église on bénissait nos paroissiens à quatre pattes.

Là aussi, une idée un peu farfelue bien sûr et pourtant pas si idiote quand on y réfléchit un peu. Bien sûr, tous les animaux domestiques ne sont pas des théologiens émérites comme Tao, et pas même sûr qu’ils soient chrétiens. Sûrement pas en fait, maintenant que j’y pense. Mais si on prend en compte l’amour, la joie, le réconfort et la sentiment de sécurité qu’ils nous dispensent, cela vaut bien une bénédiction sans doute. C’est à toutes ces choses que j’ai pensé en priant pour eux. Car comme le dit mon chef, c’est surtout pour les familles et les maisonnées qu’on prie, dans ces moments là. Le chat, le chien, c’est bien connu « animal transitoire », réconfort affectif, le substitutif – nous y voilà.

Mais quand même. Un des paroissiens est arrivé avec son labrador dans les bras: une vieille chienne de treize ans, incapable de marcher, dévorée par l’arthrite, un œil en moins. Ça faisait peine à voir. Et du coup, quand je me suis penchée vers elle, j’ai eu du mal à faire la prière de substitution, prétexter l’animal pour prier pour la famille. J’ai surtout demandé à Dieu qu’il la soulage de ses douleurs et l’aide à vivre sa vie de vieux chien sans trop de misères. Eh bien croyez-le ou non –  je ne vais pas vous faire le coup de vous dire qu’elle a sauté et a marché – mais à ce moment là, la chienne a poussé un jappement de bonheur et s’est roulée par terre. Comme si elle sentait qu’il y avait là quelque chose pour elle, et pour elle uniquement.

Parfois, je me lève la nuit et j’observe mon chat regarder par la fenêtre, assis seul dans le silence, perdu dans une contemplation muette. Et je me dis j’aimerais bien être une petite souris, pour savoir ce qui se passe entre les animaux et Dieu.

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