A walk on the wild side

Aux États-Unis, si vous voulez faire du sport, il vaut mieux avoir le moral.

Enfin, je dis aux États-Unis, j’en sais rien, au bout de quatre ans, je commence à oublier comment ça se passe de l’autre côté de l’Atlantique – de ce que j’en apprends maintenant en France on mange des bagels, des cupcakes et même paraît-il des eggs sandwiches, une nouveauté dont mon cœur ne saurait trop se réjouir – l’œuf étant sans doute mon plat préféré (notez au passage ma gastronomique simplicité). Si vous n’êtes pas au courant des innovations culinaires dans votre propre pays, apprenez qu’un egg sandwich, aussi surprenant que ça puisse paraître, c’est un sandwich avec des œufs dedans – si – mais le truc c’est que vous faites revenir les tranches de pain dans l’huile, les œufs ne sont pas durs, mais frits, « sunny side up », comme on dit ici car le jaune d’œuf, les américains ça leur rappelle le soleil (notez au passage leur optimisme légendaire) et vous rajoutez par dessus une couche de cheddar fondu, et, à loisir : jambon, bacon ou saucisse – et ça rentre dans le sandwich car il y a des saucisses plates aux États-Unis, comme il y a des boulettes de viande végétariennes (meatless meatball) et du poulet végétarien, un truc que Xav a récemment découvert à mes dépens alors qu’en réunion du soir je le laissais shoper et nous préparer le dîner. Bref, tout ça pour vous dire : je me réjouis pour vous que l’egg sandwich arrive en France car c’est vraiment la meilleure chose au monde, il m’arrive souvent le midi d’aller au resto en bas de chez moi pour manger un egg sandwich avec un bol de fruits et un café chaud – l’egg sandwich, pratique, économique, vite préparé c’est une nourriture de petit déjeuner bien sûr, mais l’avantage ici c’est que les plats de petit-déjeuner sont aussi servis le midi, et tant mieux car c’est à mourir, to die for comme on dit ici.

Ce qui est loin d’être faux si vous réfléchissez deux secondes et imaginez le nombre de calories et le taux de cholestérol qu’il peut y avoir dans un egg sandwich avec la triple combinaison gagnante pain frit / oeuf frit / fromage frit. Je ne vous dis même pas ce qui arrive si vous rajoutez du bacon, et si vous l’accompagnez, comme c’est souvent le cas, de patates frites.

Alors les américains sont-ils obèses ? Me demanderez-vous – mais en fait non, la plupart des français partent du principe que les américains sont tous obèses – et bien je vais vous opposer une sérieux démenti: eh bien non, absolument pas. Du moins, dans les contrées civilisées.

Pour tout vous dire, mon dernier séjour à Manhattan m’a foutu le moral à zéro. Vous savez les filles dans les magazines, quand tout le monde vous dit qu’elles sont photoshoppées, et qu’un corps de femme comme ça, ça n’existe pas ? Eh bien non – oubliez – deuxième démenti: un corps de femme qui mesure 1,85m et qui pèse 4o kilos, ça existe tout à fait. Et il y en a des paquets. Et quand vous les voyez défiler dans la rue vous vous demandez presque si dans les magazines elles ne sont pas plutôt photoshoppées pour paraître un peu plus grosses, et avoir figure humaine. Parce que bien sûr, mince à ce stade là c’est carrément moche mais quand même – quand vous vous levez de bonne heure rise and shine pour vous faufiler dans le bouiboui du coin qui vous sert vos  two eggs sunny side up avec vos trois pancakes et sirop d’érable (sirop qui n’a jamais vu un érable, c’est tout du high fructose) : eh bien, même si au fond de vous-mêmes vous le savez que ce n’esWP_20150523_08_54_13_Prot pas si joli que ça pour une grande dame comme vous de peser 40 kilos, même dans l’hypothèse où vous seriez habillée en Armani des pieds à la tête, vous ne pouvez pas vous empêchez de  bêtement culpabiliser. Et, éventuellement, d’avoir l’impression d’être un gros pachyderme.

D’où le sport – bien sûr.

Parce que j’exagère un peu avec les filles de Manhattan – qui je pense n’ont pas vu un œuf ou un bout de fromage depuis environ 150 ans – je ne parle même pas d’egg sandwiches-  mais les citadins moyens réussissent quand même à garder la ligne, plus ou moins, et malgré leur régime désastreux, parce qu’ils font du sport. Tout le temps. Genre, ils se lèvent à cinq heures du mat pour aller courir, leur grand truc, version suburbaine :  avec la poussette et le chien, ou en version plus urbaine : l’inénarrable salle de gym.

Parce que la salle de gym, j’y vais bien sûr – surtout depuis mon dernier séjour à Manhattan, j’ai pris de bonnes résolutions. Et c’est là que ça devient carrément déprimant. Les machines comptent tout: vous vous mettez sur un truc pour pédaler ou pour ramer gentiment, la machine vous donne le nombre de tour minutes, nombre de pulsations minutes, nombre de mètres parcourus, moyenne à la minute, et surtout bien sûr, le nombre de calories perdues.

WP_20151012_09_23_23_ProEt du coup vous vous rendez compte tout de suite qu’après 15 minutes à pédaler et après avoir parcouru 6 miles, vous avez tout de suite perdu 80 calories – ce qui est génial car épuisée par l’effort, vous rentrez à la maison, vous mangez une banane et vous vous rendez compte que tout est à recommencer. C’est pire maintenant avec la mode du « fitbit » un petit bracelet que vous portez au poignet et qui décompte même le nombre de pas que vous faites par jour – c’est limite si le truc ne vous fait pas une analyse de sang et d’urine au passage.

Bref, Heidegger l’a dit il y a déjà presque 70 ans: le monde moderne c’est le royaume du dénombrable, du quantifiable, on n’arrive pas à laisser ce qui est être. Tout doit être utile, utilisé et justifié. On démembre la nature et on appelle ça le progrès. Et j’ouvre les yeux et réalise que moi qui étais si contente d’être partie de Grenoble pour échapper aux sportifs de tout bord et ne plus entendre des: « Alors qu’est-ce que tu as fait ce week-end?  » –  Non pardon – pour ne plus entendre des: « Alors tu es allée skier / surfer / randonner où ce week-end? », me voilà tombée de Charybde en Scylla – du Dauphiné en Virginie.

Alors ce week-end, on est retourné faire du sport façon vieille école – façon Grenoble. Se balader juste pour le plaisir de se balader, marcher , respirer, entendre les bruits de la nature, se tordre les pieds sur les cailloux, garder les yeux sur les balises pour ne pas se paumer, ne pas s’approcher trop près pour éviter de tomber dans le vide.

Des siècles, avant Heidegger, Héraclite l'a dit "On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve"- ce qui est très vrai du côté des chutes du Potomac. Si vous vous baignez une fois, cela risque bien d'être la dernière...Les Park Rangers vous souhaitent tout de même une bonne journée !

Des siècles, avant Heidegger, Héraclite – pour souligner l’impermance des choses – a dit « On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve ». C’est très vrai du côté des chutes du Potomac : si vous vous baignez une fois, cela risque bien d’être la dernière..Les Park Rangers vous souhaitent tout de même une bonne journée !

Sans un bidule qui compte le nombre de pas à la seconde et de calories à la minute.

Croyez-moi, ça fait un bien fou – laissez l’étant être et l’être se détendre. Heidegger avait raison.

Le lieu est à vingt minutes de mon église – comptez le double avec les bouchons car tout Washington vient là pour prendre l’air et se détendre – et ça s’appelle Great Falls – les chutes du Potomac si vous voulez.

Bien sûr c’est encore du sport à l’américaine, il y a un grand parking et des accès handicapés, un gift shop et des WC, des Park rangers et des panneaux partout pour vous dire comment éviter de mourir…et bien sûr, il y a un stand de frites et de hot dogs, et une fontaine à Coca. Par contre, je ne suis pas allée vérifier s’il avaient des eggs sandwiches.

Allez, je vous laisse apprécier en images ! Car une chose est sûre, c’est plus joli qu’une salle de sports…

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