Avec mon chef, c’est un peu la compet’.
Bien sûr, dans le clergé, ça ne se fait pas d’être compétitifs. On est là pour s’aimer et pour s’entraider les uns les autres. C’est pour ça que quand j’ai passé mon entretien d’embauche et qu’il m’a dit – par deux fois – qu’il n’était pas du tout compétitif, j’ai tout de suite pigé le truc, confirmé par ma psy: si tu as besoin de le dire c’est que tu as besoin de t’en assurer car tu n’en es pas bien sûr. Dans tous les cas, Dieu reconnaît les siens, ou en tous cas les gens compétitifs se reconnaissent entre eux: Depuis quarante ans que je suis première de la classe, moi aussi je sais faire semblant d’être modeste.
Et du coup ça a commencé très fort – à la washingtonienne avec du « throwing name ». J’ai prêché devant le directeur du FBI ? Mon chef a fait son premier sermon devant Colin Powell. J’ai donné la communion à Obama? Mon chef a un paroissien qui a résolu la crise des otages de l’ambassade américaine en Iran (à se demander si ses sermons n’ont pas influencé le négociateur). Au final, il m’a eu. Pas sur des trucs de prêtre – mais question vie privée, il assure. Mon chef, il a rencontré sa femme dans l’Empire State Building, et la première fois qu’il l’a embrassée c’était au sommet du Rockfeller Center. Pour vous rafraîchir la mémoire, si besoin est, j’ai rencontré Xav « Salle Abeille » à la Maison de la Nature et de l’Environnement, et la première fois qu’il m’a embrassé c’est parce qu’il avait trop bu (et le pire c’est que c’était moi qui l’avait fait boire pour arriver à mes fins). Vous noterez au passage que nous avons quand même un mariage heureux, comme quoi il faut parfois savoir forcer un peu le destin et les informaticiens timides. Mais bref – je ne pouvais par raconter ça à mon chef – et je n’ai trop rien dit. Au passage, ne soyez pas trop surpris de cet étalage d’informations personnelles. Aux États-Unis, on s’appelle Pat et Bobby au deuxième coup de fil, et c’est une question traditionnelle de demander aux couples comment ils se sont rencontrés.
Cependant ce week-end j’ai marqué des points et l’ego de mon chef en a pris un coup. Mon mari, je ne sais pas, mais moi, je peux être romantique si je veux. Ce dimanche, j’ai prêché sur l’histoire du jeune homme riche en utilisant le film : « Coup de foudre à Notting Hill ». J’ai dit (habilement) que Jésus qui apparaît au jeune homme riche, c’est comme Julia Roberts qui rend visite à Hugh Grant. C’est un amour difficile et exigeant, mais est-ce que ça ne serait pas idiot de dire non juste parce qu’on préfère le train train quotidien? L’idée si vous voulez, c’est que dans le christianisme, on a plein d’idées sur tout, sur ce qu’on doit faire ou ne doit pas faire, mais qu’on oublie d’être vraiment amoureux et que même si c’est dur pour un simple mortel de suivre le Fils de Dieu – comme pour un simple libraire de sortir avec une star hollywoodienne – est-ce que ça ne vaut pas le coup de faire quelques sacrifices pour vivre un grand amour?
Et ben les paroissiens, ça leur a bien plu. La plupart sont venus me voir en me disant qu’en effet, c’était vraiment une idée géniale de penser à aimer Dieu. Qu’avec tout ça, à l’église, entre le caté, les comités de soutien, la chorale, les diverses collectes et les réunions paroissiales, ils avaient presque oublié. D’aimer Dieu. Et de se laisser aimer, tout simplement.
Et mon chef, il ne s’en est pas remis. Ce dimanche, il m’a entendu prêcher au premier service mais pour le deuxième service il est allé célébrer à la maison de retraite à côté de notre église. Quand il est revenu, il m’a dit : « J’ai dû prêcher sur le même texte que toi, mais je n’ai pas pu parler de Julia Roberts – je n’ai pas vu le film ». Je lui ai dit qu’il ferait bien de le voir, comme ça il pourrait prêcher sur Julia Roberts l’an prochain et il a convenu que c’était une bonne idée. Et il s’est posté à la sortie de l’église pour distribuer des copies de mon sermon.
Je fais la maligne et je fais semblant de ne pas être modeste, mais ce sermon m’a coûté quelques nuits blanches car croyez-le ou non, je me suis pas mal demandée si c’était une si bonne idée que ça – de comparer Jésus et Julia Roberts. Au final, je ne sais toujours pas mais bon, du coup j’ai fait ma première conversion: Mon chef a avoué son ignorance et va se mettre à regarder des comédies romantiques. Je suis outrée au passage que les américains connaissent aussi mal leur patrimoine culturel.
Je vous laisse lire en paix et j’envoie une carte postale au premier qui trouvera le francisme (Tout en sachant que ce sera bien sûr Maman).
sorry to be unable to answer but what do you call a « françisme » what sort of language does it belong to?
tu appelles peut être francisme ce que j’appelle un gallicisme …je vais donc chercher dans ce sens …mais pour l’instant je vais dormir car la nuit porte conseil …
De quoi alimenter ta réflexion: francisme et gallicisme