Aujourd’hui avec Xav pour se mettre dans l’ambiance, on est allés voir des crèches à la cathédrale épiscopale de Washington. Vous me direz, c’est un peu tard pour se mettre dans l’ambiance vu qu’on est déjà le 26 décembre, mais enfin, chez les orthodoxes Noël dure 12 jours, un truc que les anglicans leur ont piqué, et puis ce n’est pas de notre faute non plus, c’était dur de se mettre dans l’ambiance pour la simple et bonne raison que le jour Noël j’étais en manches courtes sous mon aube – sans chasuble, sans pantalon – et je suais à grosses gouttes, l’air était lourd et orageux, les températures extérieures ayant atteint les sommets record de 22 degrés (Celsius). Et puis c’est vrai que ce premier trimestre est passé tellement vite, avec tant de choses à faire, qu’on n’a rien vu arriver. Pour la première fois de ma vie, j’ai été presque en retard sur mes cartes et mes cadeaux – Control freakage oblige, c’est aussi inhabituel pour moi d’être en retard que pour pas mal de gens d’être à l’heure – mais là la vérité, c’est que je suis tellement à la bourre que j’ai trois sermons de retard sur mon blog (Je note cependant que personne ne me les a réclamé, ouf !).
Je me rattrape tout de suite :
Sermon 1129 Sermon 1213 Sermon 1225
(Oui, le titre du sermon c’est la date, avec le mois et le jour inversé comme font les américains, par contre en anglais sermon se dit « sermon » ce qui est bien pratique).
Du coup, j’ai réfléchi à comment je pourrais essayer de résumer ce que j’ai voulu dire cette saison, en admettant qu’on ne me laisse que quelques lignes pour l’écrire – ce qui serait surprenant dans mon propre blog, mais sait-on jamais trop.
Eh bien je crois que cette année, justement, de ne pas être dans l’ambiance, ça m’a poussé à démythologiser. Démythologiser en théologie, ça veut dire – vous l’aurez compris – faire la part entre ce que les Écritures cherchent à exprimer sur la réalité divine et la légende – la petite histoire et bien souvent la politique. Le champion de le démythologisation, c’est Rudolf Bultmann – un allemand, comme tous les théologiens, philosophes et musiciens un peu sérieux. Mais enfin, Rudolf il est allé un peu loin quand même, pour lui l’évangile tout entier s’explique par ce que les premiers chrétiens essayaient de faire passer comme message et pour arriver à leurs fins, ils mettaient dans la bouche de Jésus les trucs qui les arrangeaient. Le problème c’est qu’à lire Bultmann, on se demande bien au final ce que Jésus a pu faire ou dire dans sa vie puisque tout a été réinterprété voire inventé plus tard, en fonction des circonstances. Je vous donne un exemple : Pour Bultmann, un truc comme Jésus qui parle à la Samaritaine au bord du puits, c’est des conneries, car les juifs et les samaritains ne pouvaient pas s’encadrer (vrai), mais comme les juifs étaient moyennement motivés pour se convertir au christianisme, et bien les disciples de Jésus ont inventé une histoire de samaritain pour balayer plus large et faire des recrues dans des cercles plus élargis que les synagogues locales. Moi je pense que c’est un peu abuser comme grille de lecture systématique mais enfin, Bultmann, il faut cependant bien lui concéder que mettre dans la bouche de Jésus des paroles qu’il n’a jamais prononcées, c’est un sport national dans l’église et c’est souvent un sport national aux USA, comme le fameux « Christ is the reason for the season » que les évangélistes reprennent en chœur au moment des fêtes : Noël n’a aucun sens si vous ne croyez pas en Jésus/Dieu, ce qui est faux, complètement faux bien sûr puisqu’on célèbre le solstice d’hiver depuis la nuit des temps. Démythologiser donc.
Il ne faut cependant pas en rester là car le but de la démythologisation, telle que je la comprends, ce n’est pas bien sûr pas d’avoir l’air plus malin que tout le monde en étant pas crédule – quelque chose qui ne me déplaît pas tout à fait bien entendu – mais c’est plutôt d’arriver au cœur même de la chose, à la vraie signification, au-delà – par exemple – de Noël joie bonheur et cadeaux pour tout le monde. Je crois que mon message à moi, en tous cas pour cette saison, c’est que chercher Dieu c’est long et c’est compliqué, que c’est littéralement un travail, un accouchement qui a lieu dans le nuit, dans notre inconscient, dans les ténèbres, dans toutes ces choses que l’on ignore et que l’on met de côté. Il faut plonger au fond de soi pour trouver Dieu, ce n’est pas simple, ce n’est pas agréable et surtout personne ne peut le faire à votre place car Dieu et l’âme ne sont pas deux choses séparées qui se regardent en chiens de faïence, mais comme on dit joliment dans nos prières eucharistiques : Le Christ, la présence de Dieu qui a crée le monde et qui est venue l’habiter, il demeure en nous et nous demeurons en lui. Voilà en gros ce que j’ai prêché cette saison – si vous n’avez pas le courage de me lire jusqu’au bout.
Ce qui est étonnant c’est que ce soir là de Noël, je me suis dit, vu que j’étais pas du tout dans l’ambiance, que c’était foutu pour ressentir quoi que ce soit question présence divine. J’étais bien trop distraite par la chaleur, les enfants qui courraient dans l’église et surtout mon chef qui avait disparu pendant la moitié du service (en fait il était allé s’asseoir à côté de sa femme, mais enfin comme je ne pouvais pas le voir, j’ai cru qu’il s’était trouvé mal et qu’il allait falloir que j’assure pour lui). Mon chef qui va au restaurant entre les deux services du soir de Noël, ce qui est à peu près normal, il faut bien manger, mais qui, d’une façon intéressante, alors que je me plaignais d’avoir pour ma part une réservation de dernière minute, m’a annoncé que, heureusement, là où il allait « Ils avaient toujours de la place pour lui ».
« Ils ont toujours de la place pour lui »: Une réflexion sur laquelle j’ai médité longuement pendant que j’étais assise au bar, (oui j’étais assise au bar en tenue de pasteur, mais avec une limonade à la main) alors que notre restaurant à nous avait pris tellement de retard que nous avons attendu une heure pour manger, je me suis rappelée la légende – légende de l’Évangile néanmoins – qu’ils sont allés dans une étable, parce que, contrairement à mon chef, et à moi aussi minus une heure d’attente, il n’y avait pas de place pour eux dans une auberge. Et d’un coup ça m’est tombée dessus que non seulement Joseph et Marie n’avaient pas eu une journée facile, et que la crèche c’était loin d’être confortable – mais surtout ce soir là, après un long voyage, ils n’avaient rien eu à manger. Et la signification c’est que légende ou pas légende, c’est comme ça que Dieu arrive dans le monde, par des gens qui ont faim – par des gens qui cherchent, par des gens qui se posent des questions. La vérité de Noël, ce n’est pas la bouffe, c’est la faim. Et c’est là que je me suis dit : « Ça y est, je tiens mon sermon » – mais c’était trop tard évidemment, juste à temps pour un saumon rôti à point, une consolation.
Une autre consolation aussi c’est que quand je suis rentrée à la maison, après une soirée bien stressante au final et une saison pas vraiment de saison, les nuages dissipés, je me suis retrouvée sous un magnifique ciel de pleine lune, la première pleine lune un soir de Noël depuis – tiens donc, quarante ans – un halo de brume l’encerclait et dans toute cette étrangeté chaleur, solitude, lune un fort sens de la présence de Dieu, et je me suis rappelé un autre truc utile, c’est que oui, on a beau chercher mais enfin, c’est quand même LUI qui décide quand c’est le moment ou non.
Quelque chose que j’ai un peu tendance à oublier. L’évangile on peut y voir un peu ce qu’on veut, je suis bien consciente de prêcher un Dieu philosophe car je philosophe sans doute un peu trop. En témoigne toutes ces petites crèches où l’on voit comment par le monde, chacun reçoit le message à sa façon.
Chacun voit Jésus à sa porte bien sûr, ce n’est pas grave. L’essentiel c’est de lui ouvrir.
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Tu mets tes aficionados à l »épreuve :3 sermons d’un coup! j »ai beaucoup apprécié the light through darkness ….peut être parce que c’était pour moi le plus facile à comprendre
Tu en tireras la conclusion que tu voudras ne sois pas trop sévère avec ta mère!