La petite église dans la prairie

Je crois que j’ai déjà mentionné à l’occasion dans un blog précédent cette mauvaise blague qui dit que, quand Dieu veut vous punir, il vous exauce. La leçon à en tirer (soi-disant) c’est que vous savez ce que vous voulez, alors que Dieu sait ce dont vous avez besoin. Et du coup, dans la vie quand finalement vous réussissez à avoir ce que vous voulez, vous êtes bien contents au début mais rapidement vous commencez à déchanter parce que vous vous rendez compte qu’au fond, ce n’est pas du tout ce dont vous avez besoin. Dieu, qui est plus malin que vous, le savait déjà, mais parfois, surtout si vous  lui cassez les pieds, il vous laisse faire le constat par vous-même.

Bref, bien entendu, ce n’est ni du Luther, ni du Calvin, pas même du Benoît XVI, c’est juste de la théologie à la mords-moi le nœud – même si d’un point de vue psychologique, ce n’est pas toujours faux non plus.

En ce qui concerne, je me dis que si cette histoire est vraie, ce qui est rassurant c’est que Dieu, je dois complètement être dans ses petits papiers (ou dans son livre de vie, c’est selon) parce que chaque fois que je lui demande un truc, sans chercher une seconde à me punir, il me donne complètement autre chose sans me poser de questions.

Si vous avez suivi l’entre deux blogs, vous n’êtes pas sans l’ignorer. Pendant deux ans, j’ai demandé à Dieu de pouvoir nourrir les pauvres, convertir les dealers et réconforter les prostituées et les alcooliques en célébrant des Eucharisties sur les trottoirs des villes (ce que j’ai eu tout de même l’occasion de faire à de maintes reprises) – bref, j’ai demandé à Dieu qu’il fasse de moi un pasteur des rues, un downtown priest – tout en rêvant secrètement bien sûr de devenir une uptown girl par la même occasion. Mais voilà, depuis 15 jours, j’ai compris que j’allais dire adieu aux mendiants des stations de métro et par là même adieu aux rooftops, galeries d’art et jogging dans Central Park avec Madonna (Ayant déjà bien investi New-York, je n’avais cependant pas encore tout à fait conclu sur cette dernière partie de mon programme) puisque me voilà propulsée en pleine banlieue résidentielle pour mon premier emploi.

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Voilà : c’est grand. c’est beau, c’est calme, c’est dans la campagne, à une demi-heure de la maison et à l’orée des bois. Exit le vrombissement du traffic, bonjour les cris d’enfants (1), exit les dealers et les alcooliques, bonjour les renards et les biches. De pasteur des rues, je deviens pasteur des champs.

Bien sûr, il y a toujours de la logique dans l’action divine, puisqu’après avoir donné la communion à Obama et prêché devant le directeur du FBI pendant mes folles années estudiantines, je vais maintenant pouvoir administrer les sacrements et mes bons conseils à des espions, les bureaux de la CIA étant à cinq minutes en bas de la rue.

Mais quoiqu’il en soit, il faut bien le dire, depuis 15 jours, je savoure le fait de n’avoir pas été exaucée. Parce que faire ce qu’on veut, c’est bien – mais au bout d’un moment il faut bien l’avouer, c’est aussi un peu fatiguant. Au bout de deux ans de ministère itinérant, à courir d’une église à l’autre, je me rends compte qu’avoir un cadre reposant, un chef sympa et des paroissiens normaux au final c’est peut-être pas mal non plus. Dieu m’envoie ce dont j’ai besoin. Il faut dire que j’ai beaucoup travaillé la question et fait récemment une importante découverte. Il semblerait en effet, après quelques années d’analyse, que j’ai à peu près le cerveau d’un Shaddock, cerveau dont le principe de fonctionnement de base est le suivant : Pourquoi faire simple, quand on peut faire compliqué ?

Ma mère m'envoie une carte de félicitations pour mon nouveau boulot avec deux plaquettes de Xanax, juste au cas où le grand air ne suffirait pas tout à fait.

Ma mère m’envoie une carte de félicitations pour mon nouveau boulot avec deux plaquettes de Xanax, juste au cas où le grand air ne suffirait pas tout à fait.

Bien sûr, les défis ne manqueront sans doute pas non plus. Mon contrat de travail stipule que j’ai été embauchée pour : « Proclamer l’Évangile, aimer et servir le peuple du Christ, le faire grandir et le fortifier pour glorifier Dieu
dans cette vie et dans la vie à venir ». Sachant que mon dernier poste consistait à « Faire des photocopies, répondre au téléphone et affranchir le courrier », j’espère pouvoir me contenter de cette marge de complication…et apprécier davantage, quand c’est possible, la simplicité et la douceur de la vie. Comme le dit joliment ma psy: « Votre instrument de travail, c’est votre âme, alors il faut en prendre soin »

Du coup, je me dis Dieu c’est c’est comme si, au milieu de mes grands projets, il me disait d’aller un peu jouer dehors. Moi, mon cerveau et mon âme, le grand air nous feront sûrement du bien !

(1) Mon église loue une partie de ses locaux à une petite école. J’aurai sûrement l’occasion d’y revenir.
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Une réponse à La petite église dans la prairie

  1. chantal dit :

    Toi, ton cerveau et ton âme puissiez vous enfin vous passer de xanax et le remplacer par de grands bols d’air pur !

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