La vie en rose

« Deux articles dans la même journée » me direz-vous, « C’est l’orgie » (façon de parler), eh bien, loin de là mes amis, c’est juste que je suis coincée au bureau, car comme je le notais avec beaucoup de sagesse il y a une heure dans mon précédent article: « On ne refait pas sa vie, on la continue », me voilà coincée dans le rôle de standardiste : Alors que mon sermon est fini d’écrire depuis belle lurette et que j’ai bouclé toutes mes réunions de la semaine et répondu à tous mes mails, mon chef m’a demandé d’être là aujourd’hui car notre secrétaire est en weekend et, selon l’adage populaire : « On ne sait jamais ce qui peut se passer ». Eh bien, il ne se passe rien sachez-le, je suis là depuis dix heures du matin, et pour l’instant, j’ai eu un seul coup fil. Mais voilà, j’en profite pour rattraper mon retard bloguesque et publier enfin ces magnifiques photos des cherry blossoms, ou plus modestement, ces photos des magnifiques cherry blossoms, car à Washington, les cherry on ne s’en lasse pas, et malgré le foule et la chaleur (Cette année, c’était plutôt le froid), et pour certains d’entre nous, malgré le déménagement, on était rise and shine sur le National Mall à huit heures du matin.

Comme d’habitude, ça valait le coup.

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Et donc bien sûr, il y a des fans. Si vous croyiez jusque là que Washington DC, c’était la politique et la corruption, eh bien dé-Trumpez vous. C’est aussi, pour l’espace de quelques semaines, la ville la plus romantique du monde. Il y a des photographes qui viennent du Japon pour l’occasion. C’est vrai qu’on les leur a un peu piqués, leur cherry trees.

Mais ça c’est Washington, bien sûr. Qu est-ce qu’il se passe pendant ce temps là, en Virginie ? Maintenant que vous êtes complètement initiés au Festival des Cherry Blossoms puisque nous fêtons notre cinquième printemps dans la vie bénie des Présidents, laissez-moi vous initier au secret des dieux : Le Virginia Dogwood. Un arbre bien de chez nous, qui fleurit lui aussi au printemps, et accessoirement devant notre église, j’ai donc quitté mon poste cinq minutes pour aller faire quelques photos (au risque que le standard explose):

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Et c’est là, appareil photo en mains que figurez-vous, je suis tombée sur ma paroissienne de la journée (après avoir eu mon coup de fil du jour) qui m’a livré cette information captivante que je ne comptais pas partager avec vous car je n’étais pas au courant, il y a deux sortes de Dogwood, le blanc, qui est un arbre sauvage, et le rose, qui est un arbre domestique. Nous avons donc des arbres sauvages devant notre église – je vous l’avais dit qu’entre les renards et les daims on était déjà presque au bord de la forêt. Non, l’information que je voulais partager avec vous, c’est plutôt une légende, la légende du Dogwood, que j’ai découverte lors d’une escapade cet été au Sud de la Virginie.

Installez-vous confortablement et écoutez bien:

À l’époque de la crucifixion, le Dogwood était de la taille du chêne et des autres arbres de la forêt. Il était en fait si solide et ferme qu’il fut choisi par le bucheron pour devenir le bois de la Croix. D’être ainsi utilisé pour quelque chose d’aussi cruel procura beaucoup d’angoisse au Dogwood, et Jésus, qui était cloué sur lui, ressentit la détresse de l’arbre et, dans sa tendre pitié pour tout chagrin et toute peine, lui dit: « À cause de ta tristesse et parce que tu as eu de la compassion pour moi, le Dogwood ne deviendra plus jamais un arbre assez large pour être utilisé comme une croix. Il sera tordu et ployé et ses fleurs seront de la forme d’une croix…Deux longs pétales et deux courts. Et au centre de chaque fleur, il y aura les marques des clous, marrons de rouille et tâchés de rouge, et au milieu de la fleur il y aura une couronne d’épines, et toute personne qui verra la fleur se souviendra ».

J’ai eu récemment une petite discussion avec notre « Presiding Bishop », notre grand patron. Disons : je n’ai pas trop aimé son sermon de Pâques, et je lui ai expliqué pourquoi sur le site web de l’église Épiscopale.

Pour plus de détails, allez là: http://episcopaldigitalnetwork.com/ens/2016/03/23/easter-2016-message-from-presiding-bishop-michael-curry

Mais disons en gros que le Bishop s’est senti obligé de nous rappeler que la Résurrection c’était du sérieux et que l’évangile ce n’est pas « un conte de fées », et c’est là que mon sang n’a fait qu’un tour car je pense justement que l’Évangile c’est le plus beau des contes de fées, car c’est l’Histoire la plus merveilleuse et incroyable qui soit – Dieu sur terre qui se balade (plus ou moins) incognito parmi les hommes et tous les chefs des prêtres qui ne le reconnaissent pas. L’Évangile, bien sûr que c’est une histoire, mais c’est une histoire qui explique toutes les histoires, toutes nos histoires, c’est l’histoire de l’amour de Dieu pour nous, racontée au travers de la vie de Jésus. Car le truc c’est que les contes de fées, loin d’être n’importe quoi, expriment une réalité profonde sur l’existence et le monde et que ce n’est pas moi qui le dit, mais Bruno Bettelheim, qui a même écrit un bouquin là-dessus.

Et donc bien sûr, la légende du Dogwood est un peu suspecte, je vous l’accorde. Un cerisier de Virginie qui dans une vie antérieure était un chêne en Palestine, ce n’est pas crédible à 100 %, du moins si on s’en tient aux faits bruts – alors qu’au moins l’Évangile est bourrée de faits historiques et que l’existence de Jésus est un fait certain. N’empêche. Peut-être que si vous lisez la légende avec attention, vous découvrirez qu’elle exprime quelque chose de bien plus profond que des faits : la compassion qui unit les êtres vivants de ce monde, l’habilité de sentir ce que les autres ressentent, être humains, animaux ou même plantes, la joie que l’on ressent devant les cherry trees, la délicatesse de l’amour de Dieu pour nous – Toutes choses que dit et répète l’Évangile aussi. Mais je en vais pas tout vous dire non plus, à vous de juger par vous-même. L’intérêt des histoires, c’est qu’elles expriment justement ce qu’on ne peut pas conceptualiser. La magie, l’art et la poésie, ce serait dommage de passer à côté, pas (seulement) parce que c’est joli, mais surtout parce que c’est vrai. C’est ça que j’ai essayé de dire au patron dans mon post. Mais pas sure que ce soit passé. Peut-être suis-je une chrétienne de la race des arbres beiges qui poussent à l’aventure, à l’orée d’une forêt un peu risquée, et pas de la race des arbres roses sagement alignés dans les allées du National Mall…ou du jardin de l’évêché !

WP_20160313_15_55_37_ProWP_20160313_17_31_14_ProJésus crucifié…sans la croix, une représentation inhabituelle mais poignante que nous avons découvert dans une église catholique à côté de la mienne à l’occasion d’un concert de musique française où un soliste américain chantait en smoking du « Prosper youplamboum »…le plus plus sérieusement du monde.

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