Let’s (not) talk about sex

DSCF9816Mes amis qui ont joué à « Cards Against Humanity » avec moi vous le diront : En sexe, je suis nulle.

Enfin, d’un point de vue théorique en tous cas, car rassurez-vous « Cards Against Humanity », ce n’est pas un strip poker, juste un  jeu avec des cartes, que des cartes, donc c’est quand même plutôt innocent mais bon, avec lesdites cartes vous devez vous amuser à compléter des phrases et toute l’astuce, si astuce il y a, c’est de faire les combinaisons les plus absurdes ou les plus scabreuses, et donc potentiellement les plus drôlatiques aussi. Bien sûr, quand je suis de la partie, ça ralentit pas mal le jeu car il y a plein de mots que je ne connais pas. Certes, le jeu n’existe qu’en anglais, apparemment le jeu n’est pas commercialisé en France et même pas exportable en France (Je le sais car on a dû en rapporter en douce dans nos valises pour une copine). Mais bon, la vérité c’est que même en français, une fois que j’ai la traduction, il faut aussi souvent m’expliquer la définition de termes recouvrant fréquemment des ensembles de pratiques qui me font hausser le sourcil : « Ah bon ? Ça existe ça ? Mais à quoi ça sert ? Quel est l’intérêt ? ». Récemment, j’ai arrêté de faire ce genre de commentaire car j’ai compris que ça avait tendance à me faire remarquer comme un peu innocente sur les bords, voire franchement naïve. Le fait est aussi que le jeu a un nombre limité de cartes, que je commence à avoir fait le tour des expressions et que – pour des raisons évidentes – nous n’avons pas acheté les extensions. DSCF9817J’ai quand même eu vraiment la honte quand je me suis rendue compte que le copain informaticien de Xavier, qui passe ses soirées à manger des pizzas et ses weekends en congrès « Donjons et dragons », en savait plus que moi. À la réflexion, il en savait beaucoup en fait, mais que voulez-vous, moi quand je vais sur Internet, c’est pour consulter la météo. Chacun ses occupations.

Et puis, je suis pasteure, malgré tout. On n’échappe pas à son destin.

DSCF9841Ce qui est assez déroutant, c’est que dans l’église, croyez-le ou pas, je passe assez facilement pour un peu débridée. Ma théorie, c’est que les américains me pardonnent parce que « je suis française » et donc forcément ma morale en matière sexuelle est assez élastique – pour ne pas dire relâchée – culture oblige. Mais la vérité, c’est juste que je suis juste une grande romantique, comme vous en avez eu peut-être eu un peu un aperçu dans mes 1200 précédents articles, et que je me laisse facilement emporter dès que l’argument : « Oui mais s’ils s’aiment » pointe le bout de son nez. Affreux. Du coup, l’autre jour, alors que je m’extasiais sur la touchante histoire de Ruth et Boaz qui se faufilent sous les couvertures à la belle étoile, je me suis même fait reprendre par une paroissienne qui m’a fait remarquer que : « Quand même, ce n’est pas une exemple, ils n’étaient pas mariés ». Super zut. Moi, les histoires de la jeune Ruth qui, un peu à la Jane Eyre, arrive de son petit patelin paumé et se glisse dans la demeure du grand propriétaire qu’elle sert dévotement avant que finalement il lui ouvre son cœur, et accidentellement son lit, ça m’a fait rêver. Je pense que le toit-terrasse pendant la nuit d’été y est pour beaucoup (Apparemment ce ne sont pas les new-yorkais qui ont inventé le rooftop, ça marchait en Palestine aussi pour l’arrière-grand-mère de Jésus) – Mais quand même, vous ne voulez pas vous faire taper sur les doigts par une paroissienne de 90 ans pour ça. C’est moi qui suis l’experte en péché, oui qui devrait, j’ai normalement un diplôme pour le prouver.

La vérité c’est que dans l’église, le sexe, on est très flou sur le sujet. Dans mon église, en tous cas.

DSCF9818À ma cousine qui me demandait si : « Ça existe vraiment ces espèces des cérémonies où des pères accompagnent leur fille de 12-14 ans qui leur promettent de rester vierge jusqu’au mariage ? » je répondrais « Je pense que oui, si tu l’as vu à la télé » et parce que tout est possible aux États-Unis, c’est bien connu – mais enfin, ça n’arrive pas dans l’église Épiscopale, rassure-toi. Dans l’église Épiscopale, le sexe, on n’en parle jamais et je pense qu’on n’en parle jamais parce qu’on ne sait pas trop quoi dire. Le sexe, c’est mal bien sûr, mais on est aussi progressiste. La théorie officielle du « pas de sexe en dehors du mariage » a l’avantage de la simplicité mais enfin à une époque où les gens font des études jusqu’à 30 ans et vivent jusqu’à 90, on se rend compte que ça ne marche plus vraiment. De même « le sexe pour procréer » à une époque où les ressources naturelles sont de plus en plus limitées et les humains de plus en plus nombreux, faire six enfants, ce n’est pas forcément un cadeau à faire à l’environnement. Encore davantage : « Le sexe selon l’ordre de la nature » à une époque où on se rend compte que la nature c’est tout sauf un programme fixé une fois pour toute, mais changement et évolution – Bref, tout ça, ça ne passe plus. En matière de sexualité, les vieux standards ne fonctionnent plus.

On appelle ça un changement de paradigme, mes enfants.

Et du coup, le pasteur est bien couillonné pour prêcher là-dessus.

DSCF9837Pour cette raison, il m’a semblé important de faire un rappel à l’ordre, ou peut-être dans mon cas est-ce un appel au désordre – en expliquant de façon plus détaillé ma conception de la morale sexuelle dans mon dernier sermon. Mes amis du clergé, prudents sur la question ont tout à perdre, moi, bien sûr, j’ai tout à y gagner puisque j’ai fini de me décrédibiliser  en visitant une McDonald’s house.

Il faut que je fasse une petite parenthèse pour vous raconter.

Les McDonald’s Houses, vous savez, ce sont ces maisons qu’ils construisent pour héberger les familles qui ont des enfants à l’hôpital (pour se déculpabiliser, après avoir nourri tout le monde avec des graisses saturées et des sucres rapides). Eh bien, il y a quelques semaines, alors qu’on attendait notre guide dans l’entrée de ladite maison à l’hôpital de Fairfax, mon chef m’avise qu’il y a les vêtements de Ronald McDonald pendus sur un cintre dans l’entrée, la blouse jaune, le t-shirt à rayures. Voyez comment fonctionne mon cerveau, alors lorsque la conclusion logique aurait voulu que ce soient les habits d’un clown venus visiter les petits enfants et que je trouve ça mignon, non, j’ai demandé à mon chef si ça voulait dire : « Que Ronald McDonald était en train de courir tout nu quelque part dans les couloirs ». Mon Dieu. C’est le cas de le dire. La prêtre qui sort ça lors d’une visite de bienfaisance, vous imaginez. Heureusement, il n’y a que mon chef qui a entendu, et, apparemment, il a compris la blague – je n’ai pas reçu depuis lors une mise en demeure pour sexual harrasement. Mais bref, étant donc définitivement labellisée en matière sexuelle, je me suis donc permis dans mon dernier sermon d’exprimer ma philosophie, autant y aller franco –  une philosophie qui, avec quelques circonvolutions, se rapporte peu ou prou à un : « Oui, mais s’ils s’aiment » à la française, mais enfin quelque peu affinée.

DSCF9820En gros, ma position si vous me passez l’expression, c’est plutôt que de se focaliser sur des actes ou sur des faits, de remettre tout ça dans le contexte plus global du sens, de donner une signification à ce qu’on fait en matière sexuelle comme pour toutes les autres activités humaines. Le sens fait vivre, l’absence de sens fait crever. Ce qui fait – et c’est là que le « Oui, mais si ils s’aiment » a des limites – que vous ne pouvez pas juste obéir à vos impulsions ou vos émotions parce que si elles ont du sens sur le court terme, elles n’en ont pas forcément sur le plus long. Et que non seulement vous pouvez faire du mal aux gens autour de vous, mais vous en faites aussi à vous-même. La morale chrétienne (et donc sexuelle) serait plus « Oui, mais si on aime » nous invitant à une attitude qui fait vivre et donne la vie (pas forcément au sens premier du terme : faire des bébés), plutôt qu’à un comportement égoïste ou tout simplement rigide qui détruit. Du coup, toute la question est d’avoir un comportement responsable. Et le problème c’est que la responsabilité, les gens n’aiment pas trop ça en général. On aime bien avoir la liberté de faire tout ce qu’on veut, mais de là à penser et à juger par soi-même et à répondre de ses actes – c’est un autre problème. C’est pour cette même raison qu’on se tourne (ou se détourne) trop souvent de la Bible comme d’un catalogue de choses à faire ou à ne pas faire, alors que si vous lisez vraiment la Bible, vous vous rendez compte que, si vous essayez de lui faire dire des vérités éternelles, vous vous rendez compte qu’elle se contredit tout le temps. D’abord parce que la Bible, comme son l’indique, c’est une « bibliothèque » (Ta Biblia mes amis, en grec, c’est un pluriel) des livres et non un livre, avec des textes qui se lisent comme des épopées, des poèmes, des livres historiques bien sûr, mais aussi des comédies et des tragédies. La Bible raconte des histoires, ou des tas d’histoires, de gens comme vous et moi, qui font du bien, qui font du tort, qui vivent leur vie dans le contexte plus grand du Royaume de Dieu, et ce que Dieu nous apprend dans la Bible c’est DSCF9835qu’il y a un chemin qui mène au salut et un chemin qui mène à la destruction.

Un chemin, ce n’est pas une liste de choses à faire ou à ne pas faire, c’est la façon dont on dirige sa vie, c’est la personne que l’on devient et c’est la manière dont on transforme (ou pas) le monde autour de nous.

Ruth et Boaz par exemple – mariage ou pas mariage, eh bien heureusement qu’ils ont couché ensemble, parce que sinon on aurait pas eu Jésus. Voilà la vérité. Bien sûr, je n’ai pas dit ça à la mémé, mais maintenant que j’y pense, j’aurais peut-être dû. Pour son éducation.

DSCF9823Une chose est sure. Peut-être qu’on en fait plus pour la morale en reconnaissant dans les églises que le sexe, tout en étant responsable, peut être léger, tendre et drôle, au lieu d’en faire quelque chose de sacré et d’hyper sérieux qui rend tout le monde triste et inquiet.

En tous cas, j’ai enfoncé le clou cette semaine en faisant de Marie-Madeleine, non pas une pècheresse ou une prostituée, mais une jeune femme romantique et rêveuse.

Comme moi, au final.

Française elle aussi, certainement. D’ailleurs, c’est en France qu’elle aurait fini ses jours. Pas aux États-Unis, vous notez bien. Et on la comprend.

Au final, mes paroissiens ont bien aimé mes deux sermons, et moi ça va. J’espère seulement que mes fantasmes avec Ronald McDonald sont juste une phase logique de mon intégration à la culture américaine, et que ça va passer.

Sermon 0228

Sermon 0313

Toutes les photos de cet article ont été prises à l’incroyable musée des « Arts Visionnaires » de Baltimore – un musée magnifique…et complètement débridé.

Le 18 Mars : J’ajoute une note pour vous dire qu’au final, aujourd’hui, alors que j’allais gentiment faire les courses, je me suis retrouvée coincée derrière une camionnette « Ronald McDonald, le spectacle » – Je n’en croyais pas mes yeux. À croire que c’est le tentateur qui intervient dans ma vie pour provoquer ma chute. Ce qui est sûr, c’est que c’est bien dommage que j’ai déjà eu mon enterrement de vie de jeune fille…

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3 réponses à Let’s (not) talk about sex

  1. Julie dit :

    J’ai beaucoup ri sur ton interprétation des vêtements de clown… ^^
    J’aurais été capable de la même remarque. ou bien de vouloir les mettre pour faire ma visite! 🙂

    Et je savais que les Francais passaient pour des obsédés, mais à ce point la, je n’imaginais pas!

    • Fanny dit :

      Non, je sais pas si les français passent vraiment pour des obsédés, mais c’est clair qu’on se permet plus facilement une remarque ou une plaisanterie à caractère sexuel. Ici, c’est plutôt pas très bien vu.

  2. Sandrine S dit :

    Ah oui, ce clown, j’en pleure de rire, c’est une scène digne d’un film.
    Je ne pourrai plus jamais voir Ronald Mc Donald sans penser à ce billet.
    Il ne faut surtout pas que « ça te passe ». Tais toi s’il le faut, mais continue à nous raconter.

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