Pour les vacances de Noël, avec Xavier, on a eu une idée comme une autre : aller à Chicago. Enfin, quand je dis « une idée comme une autre », apparemment pas vraiment. D’après un bref sondage dans notre entourage immédiat, pendant l’hiver, les américains préfèrent aller se balader du côté de Cancún ou en Floride – à Hawai pour les plus fortunés ou les plus présidentiables d’entre eux. N’importe où mais pas dans le Midwest.
Le Midwest, cette partie bizarre des États-Unis – car on dira ce qu’on veut mais enfin pour moi « Midwest » ça veut dire « à moitié à l’Ouest » alors qu’au final le Midwest c’est le Nord Est, toute la partie qui n’est pas directement sur la Côte Est : Indiana, Wisconsin, Illinois, « Les grands lacs » si vous préférez. Je vous explique ça sur un ton détaché, comme si c’était une évidence, mais enfin, il m’a fallu quatre ans pour comprendre, ou plutôt quatre ans pour avoir la curiosité d’ouvrir la Wikipédia à « Midwest ». Jusque là le Midwest quand j’en entendais parler, je me contentais jusque là d’assumer que c’était « quelque part dans le centre, mais plutôt du côté gauche sur la carte » mais quand mon chef m’a dit après le service de dimanche, alors que je lui annonçait gaiement et naivement que je me dépêchais pour ne pas louper mon vol – en mode « Curé de Cucugnan » (1) j’en avais même oublié mon livre de prières dans la sacristie – mon chef donc qui me dit : « Vérifie les horaires pour ton avion, car ils annoncent une tempête sur le Midwest ».
Et c’est là donc, sitôt rentrée à la maison pour récupérer mes bagages que, PC sur les genoux, page météo d’un côté, page Wikipédia de l’autre, j’apprends que le Midwest, c’est le nord des États-Unis, 12 États dont notamment le Wisconsin, l’Indiana et l’Illinois, capitale du Midwest au centre de ces trois États : Chicago, Illinois (Prononcez « illi-noye », pas « illi-noix »). Trop injuste. Le Midwest, c’était censé pour moi être chez les ploucs et surtout c’était censé être à l’Ouest et pas ma destination pour les vacances et là où une tempête arrivait dessus. Bref, le Midwest, grammaticalement et littéralement, c’est un faux ami.
On nous avait prévenu pourtant, mais à croire que l’optimisme à l’américaine c’est contagieux, ou c’est juste qu’on s’habitue. Avant un américain qui ne manifestait pas un enthousiasme débordant pour quelque chose, pour nous ça allumait une lanterne rouge, parce qu’ici un truc qui n’est pas d’emblée « awesome » vous pouvez être sûr que c’est vraiment vraiment pourri – et là personne ne s’enthousiasmait plus que ça quand on partageait notre projet pour les vacances. Même Catherine ma directrice spirituelle qui me soutient à 100 % sur tout, Dieu, moi, le monde, ma réforme de l’église, Catherine m’a dit : Chicago, c’est vraiment super mais enfin plutôt au printemps.
Avec Xavier, et parce que ça fait des lustres qu’on a envie de visiter Chicago – surtout depuis qu’on a fini la cinquième saison de « Goodwife » et même si on sait pas bien où c’est – on s’est dit : « Tant pis, si dehors il fait froid on n’aura qu’à bien se couvrir » comme le dit la chanson. Après tout, on était en mode « tourisme urbain », ce n’est pas non plus comme si on allait faire l’ascension du Meru (sur lequel on avait vu un documentaire la semaine même, ça nous avait boosté). Le soleil, la plage ce n’est pas vraiment pour nous. Les crocodiles et Disney World non plus. Pour les vacances, on préfère les musées et le métro.
Sauf que. Sauf que, Dieu nous ayant épargnés après un vol sans histoires (Je reprends espoir, Dieu doit finalement avoir des projets pour moi ou c’est juste qu’il y a au séminaire encore plein de PC à dépanner), bref, au final la tempête est vraiment arrivée lundi matin – alors qu’on déambulait tranquillement entre le Starbucks, le bureau de poste où on était allé acheter des timbres (vous verrez désormais vos cartes postales d’un autre œil), et le fameux musée d’art de Chicago – classé meilleur musée du monde par je ne sais plus qui – un vrai piège à Belanger.
C’est là qu’on a compris pourquoi Chicago aux États-Unis, ce n’est pas d’abord la cité d’Al Capone, c’est la « windy city ».
Une tempête de glace horizontale. D’un coup. Un coup de vent incroyable, soudain, avec plein de grêlons dedans. Pour moi, du jamais vu. Ou plutôt justement impossible de la voir, car quand vous avez de la glace qui vous arrive dans les yeux, c’est juste impossible d’avancer, de reculer, de rien faire. Et c’est la première fois de ma vie que je cherche autour de moi dans la rue un refuge immédiat. Refuge trouvé sous un porche de restaurant en toile, porche qui n’était pas sans me rappeler la petite tente suspendue à la roche des alpinistes du Meru dans laquelle ils étaient restés coincés quatre jours pour cause de tempête – l’un des alpinistes commentant : « Je me suis toujours demandé comment j’allais mourir et ce jour là je me suis dit : maintenant je sais ». La vérité quand même c’est que je n’avais pas trop peur de mourir – je me suis bien habituée question catastrophes climatiques – mais enfin un peu peur de rester bloquée une heure ou que Xav s’envole (j’ai moins d’inquiétudes en ce qui me concerne, le régime américain faisant son œuvre). Mais Dieu était avec nous une fois de plus car le truc incroyable et vraiment providentiel, c’est que les gens du restaurant sont venus nous ouvrir et nous ont fait passer par un centre commercial qui arrivait juste devant le musée, le truc encore plus incroyable et providentiel c’est qu’avait pris refuge avec nous une famille de français – Joyeux, de bonne humeur, ils nous ont appris qu’ils étaient en fait réunionnais – et le truc encore plus incroyable c’est que devant le musée on a fait comme tout le monde, on a fait la queue sous la grêle parce qu’à Chicago, une tempête de glace c’est pas considéré comme une urgence ou une nuisance – les chicagolais en mode business as usual, limite genre : faites un trou dans la neige si vous avez froid et essuyez-vous les pieds avant d’entrer s’il vous plaît.
Après ça, ça c’est un peu calmé, enfin le lendemain, après avoir marché jusqu’à mi-mollet dans des flaques de neige fondue, après que Xavier ait manqué de se faire assommer par un bloc de glace tombé d’un immeuble, après que j’ai eu séché mes bottes au sèche-cheveux à l’hôtel, après tout ça, donc, le lendemain ça allait mieux. On a pu se perdre (littéralement) sur le campus de Chicago – parce que on a beau avoir fait quatre ans aux États-Unis on croit toujours qu’on peut facilement s’y déplacer à pied (non), que : « Ça doit pas être si grand que ça » (si). Bon, j’ai râlé au début, mais après j’ai reconnu le décor de la première scène de « Quand Harry rencontre Sally », ça allait mieux. On a pu visiter le musée des sciences et de l’industrie et surtout on a pu voir le Millenium park, que j’aurais détesté rater même si du coup je n’aurais pas su ce que j’avais manqué : la vue panoramique sur les gratte-ciel et le lac Michigan.
Et une Trump tower aussi, parce qu’il ne faut pas déconner non plus, et aussi juste le charme discret de la ville et so Chicago : la cuisine italienne, la pizza « deep dish » à la pâte épaisse, le métro aérien qui zigzague entre les immeubles (et sous la pluie).
Au troisième jour on était comme chez nous. Quand on a vu qu’une tempête de neige commençait pendant le petit déjeuner, j’ai dit à Xav : « Allez on s’en fout on appelle un taxi et on va au musée » (en l’occurrence le fameux « Aquarium » au bord du lac) parce qu’on savait que même marcher jusqu’au métro c’était pas envisageable.
On avait compris le message.
Vous me croyez si je vous dis qu’on a quand même passé de super vacances ? C’est comme ça. L’Esprit du Meru, c’est comme le Saint Esprit et le vent : il souffle où il veut – dans le Midwest y compris.
Atchi !!

Juste avant de reprendre l’avion, complètement acclimatés, on avait tombé la chepka (et j’avais perdu mon bonnet)…

À l’aéroport, Xavier a « deep dishé » pour la science et pour vous…(Oui ce morceau de quiche, c’est une pizza !!)
Et plein de jolies photos à venir dans le prochain post !!!
Petit rectificatif : Le curé de Cucugnan est celui qui entreprend de confesser tout le village (avec une journée entière pour le meunier) car ce curé avait rêvé qu’il arrivait au ciel et n’y trouvait aucun des habitants décédés de Cucugnan, il ne les trouvait pas non plus au purgatoire car ils étaient tous en enfer … Don Balaguère lui est le curé des « trois messes basses » celui dont tu as gardé le souvenir qui expédie de plus en plus vite ses trois messes de minuit… Tout celà se trouve dans « Les contes du lundi » et « Les lettres de mon moulin » de Daudet
Ah mais oui je me souviens maintenant. Le coup des paroissiens qui sont tous disparus. Les miens ne sont pas en enfer, mais plutôt que de se pointer à mes groupes bibliques, ils vont faire du golf.
Ne devrais tu pas te mettre aussi au golf?
C’est vrai ça, Fanny, pourquoi ne pas te mettre au golf ?
Afin d’être plus proches de tes paroissiens et faire un peu d’exercice, le tout au frais de la paroisse, je trouve l’idée plutôt bonne ! 😉
C’est vrai. De la même façon que Mère Térésa allait dans les bidonvilles pour chercher ses brebis, je pourrais aller courir après mes agneaux sur les vertes prairies des terrains de golf – et améliorer mon handicap au passage.
Je veux des vidéos de toi en soutane en train de jouer au golf.
Et cette conversation me rappelle tellement Dogma! 🙂