Quand ma mère m’a offert cette étole pour mon ordination, je n’ai rien trop osé lui dire.
Mais puisqu’à en croire les commentaires que je reçois sur mes articles, elle est à peu près (avec Xav) ma seule lectrice, je vais en profiter pour passer à des aveux complets. Ce blog, en plus d’avoir une vocation communicationo- culturo- spirituelle et divertissante va devenir, pour sa quatrième édition, carrément psychothérapique. J’en profite quand même pour lancer un appel à témoins : Homme, femme, veau, vache, cochon, qui que vous soyez, si vous êtes tout sauf ma mère, s’il vous plaît: laissez un commentaire sur ce blog avant que ça ne tourne en tragi-comédie woody allienique. Merci.
Mais reprenons. Quand ma mère donc m’a offert cette étole pour mon ordination, donc, je n’ai trop rien osé lui dire. D’abord parce que ça a été un peu compliqué de trouver quelque chose – à sa décharge la plupart des filles demandent à leur mère de leur offrir des pulls ou des boucles d’oreilles, pas des cadeaux d’ordination. Ensuite, ça m’a fait super plaisir aussi. Mais voilà, passé le moment de joie et de surprise où j’ai déballé mon cadeau et me suis écrié : « Magnifique, une étole avec le sacré-cœur de Jésus », dans le même mouvement rétroactif de conscience réfléchissante: je me suis dit « Et merde, une étole avec le sacré-cœur de Jésus ». Le sacré-cœur de Jésus, symbole hautement catholique, les jésuites et les bonnes sœurs, la Contre-Réforme, l’adoration du saint-sacrement, bouter les protestants hors de France – ce qui, vous le remarquerez me concernant, est toujours d’actualité. Comment porter une étole avec le sacré-cœur de Jésus quand on est un prêtre anglican? Et bien: Pas. D’après « Jim », spécialiste de la liturgie au séminaire, à qui j’étais allé poser la question, étole en mains, le Sacré-cœur de Jésus, c’est : « Vraiment le seul mouvement spirituel que nous ne partageons pas du tout avec les catholiques ».
Bien joué Maman. Mais bien sûr en France, quand on vous vend une étole, on vous vend une étole catholique avec des symboles catholiques. Vous vous attendiez à quoi, franchement? Mais donc, moi jeune prêtre anglicane scrupuleuse, j’ai dit merci maman et pendant les premiers mois suivants mon ordination, j’ai gardé mon étole au placard, l’essayant de temps en temps à la maison, comme d’autres enfilent leurs talons hauts en se disant que c’est bien beau, mais que ce n’est pas raisonnable de sortir comme ça. Et puis vous savez, une chose en entraînant une autre, j’ai commencé à la porter en catimini quand je faisais des Eucharisties en semaine et que j’étais toute seule dans l’église. Puis toute seule le dimanche. Puis avec les recteurs avec qui je célébrais, en leur demandant « si ça ne les gênait pas ce symbole catholique ». Puis je me suis mis à la porter tout le temps – sans poser de questions à personne et tant pis pour Jim, car croyez-moi ou non, je me suis rendu compte que tout le monde s’en foutait éperdument. Les seules remarques que j’ai eu – tout le temps – ça a été « mais c’est bien joli cette étole mais d’où ça vient de France évidemment ils ont tellement du style, unbelievable, on ne trouverait jamais ça chez nous »- pour un peu je leur disais que c’était du Christian Lacroix (remarquez le jeu de mots au passage).
Mais bon – tout ça pour vous dire: avec le temps, j’ai pris de l’assurance et je me suis enhardie. Et pour vous dire à quel point je n’ai plus peur de rien, ce dimanche, j’ai même poussé le bouchon jusqu’à accessoiriser l’étole avec un chaton aimanté, mieux connu sous le nom dit du « substitutif » – un compagnon de voyage qu’on a récupéré un jour à la gare de La Part-Dieu et qui nous accompagne parfois lorsque notre chat Tao doit rester à la maison. Le coup du substitutif, on a expliqué ça un jour à des copains qui nous ont trouvé « rigolos » d’avoir un chat de remplacement, mais on a bien lu dans leurs yeux que c’était sans doute plutôt « farfelu » voire limite un peu débile. Certes, je ne dis pas, mais je dis aussi: on a des besoins affectifs ou pas, c’est selon, mais chacun gère à sa manière et la manière la plus simple et efficace de gérer un besoin affectif, c’est quand même un chien ou un chat, en peluche ou pas.
Vous remarquerez que j’ai habilement transitionné de ma mère à mes problèmes affectifs, du sacré-cœur au cœur de mon article – les chiens et les chats – car c’est là que j’en viens enfin à mes moutons, parce que bien sûr, ce dimanche c’était la St François d’Assise et à l’église on bénissait nos paroissiens à quatre pattes.
Là aussi, une idée un peu farfelue bien sûr et pourtant pas si idiote quand on y réfléchit un peu. Bien sûr, tous les animaux domestiques ne sont pas des théologiens émérites comme Tao, et pas même sûr qu’ils soient chrétiens. Sûrement pas en fait, maintenant que j’y pense. Mais si on prend en compte l’amour, la joie, le réconfort et la sentiment de sécurité qu’ils nous dispensent, cela vaut bien une bénédiction sans doute. C’est à toutes ces choses que j’ai pensé en priant pour eux. Car comme le dit mon chef, c’est surtout pour les familles et les maisonnées qu’on prie, dans ces moments là. Le chat, le chien, c’est bien connu « animal transitoire », réconfort affectif, le substitutif – nous y voilà.
Mais quand même. Un des paroissiens est arrivé avec son labrador dans les bras: une vieille chienne de treize ans, incapable de marcher, dévorée par l’arthrite, un œil en moins. Ça faisait peine à voir. Et du coup, quand je me suis penchée vers elle, j’ai eu du mal à faire la prière de substitution, prétexter l’animal pour prier pour la famille. J’ai surtout demandé à Dieu qu’il la soulage de ses douleurs et l’aide à vivre sa vie de vieux chien sans trop de misères. Eh bien croyez-le ou non – je ne vais pas vous faire le coup de vous dire qu’elle a sauté et a marché – mais à ce moment là, la chienne a poussé un jappement de bonheur et s’est roulée par terre. Comme si elle sentait qu’il y avait là quelque chose pour elle, et pour elle uniquement.
Parfois, je me lève la nuit et j’observe mon chat regarder par la fenêtre, assis seul dans le silence, perdu dans une contemplation muette. Et je me dis j’aimerais bien être une petite souris, pour savoir ce qui se passe entre les animaux et Dieu.
Espérant ne pas être la seule à réagir j’ai quelques remarques à faire en tant que mère. Quand j’ai commencé à lire les propos sur l’étole j’ai pensé : elle aurait du me le dire….N’ayant rien d’une théologienne j’ignore toutes ces subtilités entre églises! Puis en poursuivant ma lecture j’ai réalisé que mon ignorance et la subtilité de ma fille pourraient peu être oeuvrer dans le sens de l’unité des chrétiens, car ces querelles me paraissent bien loin de l’enseignement du Christ.. De plus quel plus beau symbole d’amour que le coeur de Jésus? Comme tu as raison de porter cette étole peu à peu et sans vouloir imposer ou choquer. Je suis fière de toi!
Moins sérieusement mais affectueusement aurais tu réalisé ton 1er « miracle » sur cette petite chienne??
Ben oui, mais je ne voulais pas te faire de la peine et j’aimais beaucoup cette étole, j’avais envie de la garder et surtout de la porter – et je me rends compte en effet que ça n’a aucune importance pour la plupart des gens la façon dont les églises essaient de se distinguer les unes des autres. J’ai d’ailleurs maintenant une icône du sacré-coeur dans mon bureau…icône que j’ai trouvé dans un magasin protestant!
Et bien moi je dis bravo pour l’étole « Christian Lacroix » (= brillant)!!!
Super, une deuxième lectrice ! Qui comprend mon humour, en plus !!
« Mais puisqu’à en croire les commentaires que je reçois sur mes articles, elle est à peu près (avec Xav) ma seule lectrice »
J’appris l existence de ce blog hier, je rattrape mon retard 🙂
Mais oui Fanny ton cercle de lecteur s’élargit de jour en jour !!!
Bientôt tu devras choisir travailler, prier, dormir ou lire tes commentaires…
Hum, je peux aussi commercialiser mon site et embaucher quelqu’un pour gérer ma com !!
Heps, moi aussi je suis là, je viens d’arriver.
J’en suis à rattraper le retard et à rire.
Quand j’aurai fini de rire (!), je convoquerai mon Harraps et mes souvenirs de cathé pour lire tes sermons.
Et, promis, cette fois ci je ne te conseillerai pas d’écrire un livre avec tes meilleurs billets de blogs. Un livre qui aura un grand succès parce que rire et réfléchir en même temps, c’est pas souvent. Promis, je ne te le conseillerai pas.
ah ah ah :)) Merci pour ta non-suggestion !!
On dirait moi quand je dis à Xav « Ta femme te conseillerait de… » LOL
Je sais que le projet de livre te tient à cœur…en dessous du bandeau d’accueil,
tu trouveras les liens sur mes trois précédents blogs…
Si tu te sens des vocations d’éditrice, feel free 😀
Moi je continue sur ma lancée créatrice !