Ces derniers temps en ville, on a pu observer cette statue qui fait parler d’elle aux États-Unis : Homeless Jesus, Jésus sans-abri. Sculpture qui fait parler d’elle parce que bien sûr, il y a un pas entre dire que Jésus était humble, menait une vie simple, et dire qu’il était pauvre, voire carrément SDF. Pourtant c’est lui-même qui le dit dans l’Évangile : « Les oiseaux ont des nids, les renards des terriers, le Fils de l’homme n’a pas une pierre à lui pour poser sa tête et dormir ». Mais voilà, les bonnes gens n’apprécient pas toujours de penser que le divin Maitre s’identifiait volontiers au pouilleux, voire même, sous un certain angle, était pouilleux lui-même – pardonnez-moi. Parce que dans ce cas-là, au lieu de dire « C’est de leur faute s’ils sont dans la merde » ou « Ce sont tous des drogués ou des alcoolos », cela voudrait dire – si Jésus était lui-même SDF – qu’il faudrait aimer les pouilleux comme nous-mêmes, voire même, voire même, les aimer comme les envoyés de Dieu. C’est cette vérité qui dérange que nous rappelle ladite statue, statue qui fait une tournée dans tout le pays, d’église en église, ou disons : là où on veut bien l’accueillir – ce qui, croyez-moi, est loin d’être partout – sculpture où on voit Jésus emmitouflé, couché sur un banc, endormi.
Seules les plaies sur ses pieds, stigmates de la crucifixion, permettraient de l’identifier quand on y regarde de bien plus près. Mais vous vous faites piéger pratiquement à tous les coups. Vous avancez dans la rue, et dans la même fraction de seconde vous vous dites, « Qui c’est celui-là, qu’est-ce qu’il fait là ? » et « Mon Dieu ! Ah ben oui, exactement, c’est le Fils de Dieu, Jesus himself ». Une mamie en Caroline du Nord a failli prendre une attaque en voyant depuis sa fenêtre ce squatter devant son église bien-aimée. Elle en appelée le fameux 911 avant de se rendre compte qu’elle avait livré le fils de Dieu aux flics. Pas cool pour une dévote paroissienne (Je le sais car c’est la mamie d’un copain séminariste). Mais j’avoue, maintenant que je l’ai vue de mes yeux vue, c’est ultra réaliste. Je suis littéralement tombée dessus alors que je revenais moi-même de mon Street Church hebdomadaire – littéralement « l’église dans la rue » – la messe que nous disons avec mon église du centre-ville dans un parc de Washington, une messe pour les sans domiciles, suivie d’une distribution de snacks divers et sandwichs au beurre de cacahouète qui ont toujours un franc succès (Je viens tout juste d’expliquer à mes amis américains les délices du beurre de noisettes « Noutélla », pour leur édification, mais ça n’a pas l’air d’avoir pris). Enfin, je dois donc vous avouer ça m’a fait un drôle de choc, de ne pas immédiatement reconnaitre mon divin Maitre – parce qu’il avait l’air d’un pouilleux justement. L’ironie c’est que pendant ce Carême, on réfléchit avec les bénévoles de Street Church sur ce que cela veut dire, d’être le Christ pour les pauvres, certes mais aussi, de voir le Christ en eux. Dieu aime bien blaguer avec moi – je ne lui en tiens pas rancune, j’aime bien blaguer avec lui moi aussi.
Alors qu’est-ce que ça veut dire de voir Jésus dans les pauvres ? Ça fait un peu bigote comme expression, vous ne trouvez pas ? Et puis je confirme : les SDF sont souvent des alcoolos ou des drogués – parfois les deux – ils ne se lavent pas tous les jours, et merci la non-sécurité sociale américaine, la plupart ont les dents gâtées et des problèmes mentaux parce qu’ils ne peuvent pas acheter leurs médicaments (Ils adorent m’entretenir sur la fin du monde et le jugement dernier. Enfin, ce n’est pas un signe de désordre mental en soi, mais certains sont assez exaltés). Qu’est-ce que cela veut dire de voir Jésus dans les pauvres, je crois que c’est simplement voir l’humanité sans nos fausses sécurités, argent, position sociale, relations, culture, voir une humanité à la fois terriblement dure et infiniment fragile, souvent incroyablement tendre et drôle, une humanité insoumise et perdue, une humanité inventive et tarée, une humanité en manque d’amour, une humanité en quête de Dieu ou de quelqu’un qui pourrait nous sauver. Car c’est ce que j’observe partout où je tourne les yeux, les gens dans la rue, les infos à la télé, les romans et les films : Nous sommes tous en quête de Rédemption. L’humanité a besoin de se transcender, constamment.
J’ai écrit le petit poème ci-dessous au milieu de ces réflexions de Carême. Un Carême long et fatiguant – il m’est apparu que ce Jésus sur le banc n’était peut-être pas un Jésus pouilleux mais peut-être tout bonnement un Jésus qui avait juste besoin de se cacher du monde et de se reposer. Si vous lisez entre les lignes, l’Évangile est plein d’allusions au fait que par moments Jésus n’en pouvait plus – des gens qui couraient après lui pour avoir des miracles, de ses amis qui ne s’occupaient pas de lui, des autres religieux qui ne comprenaient pas son message, des dévots qui lui tournaient le dos.
Toutes choses aisément compréhensibles quand on est invité à marcher à sa suite. Dimanche soir, dans un geste éminemment christique, j’ai passé une demi-heure la tête sous mon pull – je fais parfois des trucs bizarres quand j’ai une crise d’angoisse mais enfin là, c’était une première – crise d’angoisse qui s’est déclenchée après que personne ne se soit pointé à mon étude biblique et que mon chef m’ait annoncé que je devais faire un enterrement toute seule car il partait faire du golf en Floride (1). Il y a des jours comme ça où quand je rentre de l’église j’ai juste envie de mourir, mais la bonne nouvelle c’est que le lendemain, ça va mieux. Tous les mardis, au parc, à Street Church je me rappelle qu’au fond, l’essentiel – dans le ministère comme dans la vie – ce n’est pas tant ce qu’on fait ou ce qu’on ne fait pas, ce que les gens pensent de nous, si on est doués, si on a du succès. Beaux riches pauvres heureux malheureux paumés drogués mamie. L’essentiel c’est d’être là, d’être avec lui, d’être lui. De voir le monde en lui, de voir le monde en nous. De voir la vie avec ses yeux, infinie et précieuse. Et un peu folle, aussi.
Que voulez-vous, Dieu est un vagabond. Il ne faut pas s’étonner, non plus.
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I sometimes happen to find prayer at Street Church a little messy
Il m’arrive de trouver la prière à Street Church un peu désorganisée
Isn’t it safer to pray at home
Est-ce que ce n’est pas plus sûr de prier à la maison
or in the pews
ou assis dans une église
where quiet and comfort help us to
où le calme et le confort nous aident à
connect with the divine?
nous connecter avec Dieu ?
People interrupting or just
Les gens qui m’interrompent ou seulement qui
talking in the back
parlent derrière mon dos
or moving things around
qui font du remue-ménage
Friends, volunteers, friends of friends,
Amis, bénévoles, amis d’amis
City workers, taxi drivers
Les gens qui travaillent, les conducteurs de taxi
tend to make me lose my focus.
ont tendance à me déconcentrer.
At Street Church, you never know what’s going to happen next, right?
À Street Church, on ne sait jamais ce qui va se passer, pas vrai ?
And yet,
Et pourtant,
I wonder.
Je me demande.
What does it mean to pray for the world
Qu’est-ce que cela veut dire de prier pour le monde
in retiring from the world?
en se retirant du monde ?
What does it mean to pray for the poor
Qu’est-ce que cela veut dire de prier pour les pauvres
Hiding from them?
En se cachant d’eux ?
How can I ask God to be in painful, scary or just unsettling situations,
Comment puis-je demander à Dieu d’intervenir dans des situations douloureuses, effrayantes ou tout bonnement dérangeantes
if I am not ready to be in them too?
si je refuse d’en faire partie ?
I happen to think that God enjoy my willingness
Il m’arrice de penser que Dieu apprécie le fait que je sois prête
to share the messiness around
à participer à tout ce désordre
Enjoy me using religion as a spear to fight
Qu’il apprécie que j’utiise ma religion comme une épée pour combattre
not as a shield to protect me
et non comme un bouclier pour me protéger.
The question is
La question est
How can I let God be and let God do
Comemnt puis-je laisser Dieu être Dieu et agir en tant que Dieu
in the rumble of the city?
dans le brouhaha de la ville ?
How can I be
Comment puis-je être
this quiet non anxious presence
cette présence calme et rassurante
in the midst of so much pain and so much need?
au milieu de tant de douleur et de tant de besoin?
How can we offer to God
Comment pouvons-nous offrir à Dieu
a worship of peace and beauty
une adoration paisible et belle
in the midst of empty plastic bottles laid on the ground
au milieu de bouteilles en plastiques vides éparpillées sur le sol
Social services dirty blankets
Les couvertures sales des services sociaux
Horns honking, phones ringing, hearts pounding.
Voitures qui kalxonnent, téléphonent qui sonnent, battements de cœurs qui résonnent.
But maybe we are God’s beauty
Mais peut-être que nous sommes la beauté de Dieu
Maybe we’re all God peace
Peut-être que nous sommes tous la paix de Dieu
Together in worship
Ensemble en adoration
Holding hands
Mains jointes les uns avec les autres
God sends his pigeons in the park
Dieu envoie ses pigeons dans le parc
God sends angels on the streets too
Dieu envoie des anges dans les rues, aussi.
Merci Fanny pour ce beau poème.
La musique des 2 langues se marient harmonieusement, cela ajoute de la poésie à ton poème.