Guide de survie en milieu chrétien

100_5273_smallEt donc on a eu comme qui dirait un petit incident climatique – en témoigne la photo ci-contre. Non, nous ne sommes pas en haute montagne, juste devant le Mac Do du coin, que vous pouvez entrapercevoir derrière mon épaule droite (l’eskimo, c’est moi). C’est pas qu’on soit des fans de Mac Do mais on s’est dit, si on prend l’enseigne, ça se verra que c’est réalisé sans trucage – pas en haute montagne, mais sur le parking du supermarché à côté de chez nous.

On a eu un petit incident climatique, donc, mais de façon surprenante, après presque cinq ans passés aux États-Unis, un tremblement de terre, trois ouragans, une tornade, un nombre incalculable de tempêtes tropicales et un certain nombre de tempêtes de neige et de grandes gelées (c’est l’avantage de vivre à la limite entre le Sud et le Nord, question climat vous avez un peu de tout), bref, après tout ça, je ne suis plus en mode panique, je suis en mode pratique. En cinq ans, j’ai appris à m’organiser.

Alors comment se préparer en cas d’incident climatique incontrôlé ? Bien sûr, cela diffère un peu selon la saison, mais enfin, la « To do list » (liste des choses à faire) reste à peu près la même dans tous les cas. Je vous confie mes trucs de bonne femme version « pionnière d’Amérique » :

  • Parce que c’est la Virginie et que le réseau électrique est ce qu’il est – pourri  – la première chose bien sûr c’est d’avoir des lampes de poche à portée de main et des piles. La veille, vous rechargez téléphones portables, PC et mp3 (ils font radio d’urgence) et vous faites tourner vos lessives. Sortez de l’argent liquide (Les distributeurs automatiques – ATM – tombent eux aussi en panne de courant…)
  • Comme vous ne pouvez pas sortir de chez vous pendant trois jours, vérifiez le niveau de PQ, kleenex, sacs poubelles, votre trousse de premier soins et vos médicaments.
  • La légende veut que lorsque vous faites vos courses, vous devez faire des stocks de lait, d’œufs et de pain. Ce qui est un peu débile car évidemment vous aurez besoin des mêmes choses que d’habitude. Ce n’est pas la tempête qui va vous empêcher de cuisiner (Bon vous aurez peut-être un  peu la flemme) et ce n’est pas comme si vous alliez devoir attendre les secours pendant deux semaines. Mais enfin, les mythes ont la vie dure et comme je m’apprêtais à faire les courses (36 heures avant ledit événement, ce qui était déjà trop tard) je me suis retrouvée avec un pain de mie de mauvaise qualité à la place de mon multi-grain et j’ai dû aller déballer les oeufs au fond  d’un carton. Mais enfin, je l’ai fait de bon cœur. Que voulez-vous, la pression sociale « pain/lait/œufs » est tellement énorme qu’il faut bien s’y coller. Par exemple, je ne bois jamais de lait, mais je me suis quand même sentie obligée d’en acheter (au cas où). Vérification faite avec ma collègue Barbara, elle ne boit jamais de lait non plus mais elle en a quand même acheté (au cas où). La vérité, c’est qu’il vous faut des trucs de base bien sûr, mais enfin ce qu’il vous faut c’est vos trucs de base : Vin rouge, chocolat aux noisettes et salade fraîche (Je n’ai pas touché au lait, au final).
  • Faites le plein d’essence. Ça ne sert à rien puisque vous allez rester chez vous, mais comme tout le monde s’affole et fait le plein d’essence, si vous ne faites pas vous aussi le plein d’essence, vous n’aurez plus d’essence. Ou vous culpabiliserez. De toutes façons, ça coûte $25 de faire le plein alors ça n’a pas d’importance.
  • Remplissez la baignoire d’eau si c’est un ouragan (risque de coupure d’eau) si c’est de la neige, achetez une pelle et du sel au « Home Depot » le Casto américain.
  • Imprimez la liste des numéros d’urgence.
  • Faites une prière à Jésus au cas où vous auriez oublié quelque chose.

Et donc comme vous le voyez, je suis au point. Tellement au point, et au final tellement occupée deux à trois jours avant l’événement que j’en oublie presque de stresser. Ou plutôt : je stresse, mais je n’angoisse pas – ce qui est une amélioration extrêmement notable de ma condition, vous en conviendrez. D’ailleurs, je me demande un peu si ce n’est pas le but de tout ces préparatifs au final : ça nous rassure car ça nous donne l’impression de maîtriser quelque chose – alors que bien sûr nous ne maîtrisons absolument rien. Une bonne métaphore pour la vie, vous me direz et je ne vous dirais pas le contraire non plus mais de façon surprenante aujourd’hui, je me sens très peu d’humeur à philosopher. Je me propose, au contraire, de rester avec vous dans le domaine du pratique et à répondre à la question qui vous brûle tous les lèvres : Que faire si l’incident climatique se déroule un dimanche et que vous ne pouvez pas sortir de chez vous pour assister à votre Eucharistie hebdomadaire ?

Simple : Faites une Eucharistie chez vous et invitez vos voisins.Ce que je me suis proposée de faire aujourd’hui même.

Alors comment s’y prend t-on pour faire une Eucharistie en plein blizzard, ou plutôt tout juste post-blizzard, mais à la maison et avec ce que vous avez sous la main ? M’étant rendue compte qu’il y a très peu de kits de survie qui vous donneront la réponse, je me suis permise de prendre quelque photos pour vous guider pas à pas.

DSCF96001 – Achetez un petit pain, que vous congèlerez pour le garder tout frais le jour J (Vous ne voulez pas avoir un pain eucharistique qui ait un goût rassi)

DSCF95972 – Si votre mari a eu l’extrême prévenance de vous offrir un calice et une patène pour votre anniversaire, rincez-les à l’eau douce avec un peu de savon liquide (L’éponge Spontex qui récure les casseroles, ça m’a semblé un peu irrespectueux)

DSCF96023 – Trouver un linge d’autel peu s’avérer un peu complexe. Fouillez vos placards pour trouver du propre et du blanc. Un simple rideau peut faire l’affaire. L’autel étant votre table de salle à manger, naturellement. DSCF9599

4 – Ajoutez quelques accessoires pour l’ambiance : orchidée, bougie parfumée, et une croix pour dire que quand même, c’est sérieux aussi.

DSCF96015 –  Vous avez eu bien fait d’acheter vos aliments de base car c’est le moment où le vin rouge entre en action. Un simple Merlot Californien fera l’affaire, celui-ci ayant eu le bon goût de s’appeler « The Path » (Le chemin. « Je suis le chemin, la vérité et la vDSCF9614ie », rappelez-vous).

Si vous n’avez pas de petites flasques, un verre ordinaire fera l’affaire (Deux. Un pour le vin et un pour l’eau, que vous disposerez derrière l’autel (c’est à dire à côté de la machine à café)).

DSCF96086 – Restez simple question vêtements liturgiques. Vous êtes dans votre salon après tout. Oubliez l’aube, la chasuble, et même le col romain, moi je me suis juste habillée en noir rehaussée de cette étole ethnique – Le chic de la clergywoman française (et comme je suis la seule, je peux bien décider de ce qui est classe ou paDSCF9611s).

7 – Envoyez vos invitations au séminaristes du coin par mail, mettez une ou deux pancartes dans le hall de votre immeuble, faites asseoir vos fidèles sur le canapé du salon et vous voilà prête à démarrer…

DSCF9613Bien sûr, il y a quelques impondérables.

En ce qui me concerne, outre le fait que l’expérience m’a rappelé de façon un peu inconfortable l’époque où je disais la messe pour mes poupées, j’ai aussi, de façon totalement inattendue, eu à gérer Tao qui était complètement fasciné par sa première Eucharistie et qui, assis sur le radiateur à côté de la table/autel, ne me quittait pas des yeux. Ce qui n’était pas perturbant en soi vous me direz, c’est juste que ça faisait rire tout le monde, y compris moi – ce qui ne s’est pas forcément arrangé quand il a décidé de sauter dans son arbre à chat juste derrière, arbre à chat qui pour l’occasion faisait étrangement penser à une chaire, ou à un siège épiscopal (« C’est l’évêque ! » s’est exclamé quelqu’un). Mais au final, ça s’est plutôt bien passé. « J’espère que je n’ai pas fait de sacrilège » ai-je confié à Xavier quand tout était terminé – à quoi il a répondu : « Bah non, je pense pas » – genre : « Attends le jugement dernier, tu verras bien s’ils te disent quelque chose » – pas complètement rassurant non plus. Mais enfin, je me dis il vaut mieux célébrer comme on peut plutôt que de ne pas célébrer du tout – ce qui est à mon avis un bon principe pour la vie chrétienne en général : mieux vaut essayer d’aimer et de servir Dieu comme on peut, sachant qu’on se plantera forcément plus ou moins, plutôt que de rester sans rien faire sous prétexte qu’on ne sera jamais parfait de toutes façons. Moi l’aventure m’a bien plue, et je referais bien ça tous les jours, ou au moins tous les dimanches, sachant qu’on était douze, cela me semble un chiffre idéal pour commencer ma propre église. Malheureusement, Tao n’étant pas encore officiellement mon évêque, je ne peux pas faire tout ce qui me passe par la tête non plus…

Alors de quoi a-t-on parlé pendant cette Eucharistie ? Eh bien de « To do lists », absolument. Jésus arrive à la synagogue de Nazareth, déroule le rouleau qui contient les Écrits du prophète Isaïe et annonce à la foule qu’il a été envoyé pour « Proclamer la bonne nouvelle, soigner les malades et libérer les captifs » – sa « to do list » à lui, notre « to do list » à nous  : Apporter au monde un amour qui n’est pas seulement passion, camaraderie ou gentillesse, mais apporter un amour qui donne au monde justice et guérison. Si on se perd souvent au quotidien  dans tout ce qu’on doit préparer, gérer, accomplir, il faut, de temps en temps en revenir à l’essentiel. Les grosses tempêtes nous apprennent ça : pain, lait, œufs, ce genre de choses. Manger et se tenir au chaud. Survivre.

Il y a les basiques du corps, il y a aussi les basiques de l’esprit.

J’en profite pour vous glisser mon sermon de la semaine dernière. Mon sermon sur « Ma sorcière bien aimée » comme l’a intitulé notre organiste. Ça m’a fait un peu honte sur le coup qu’il le résume comme ça, mais je n’y peux rien, Marie à Cana qui dit à Jésus de changer l’eau en vin, ça me fait penser à Andora qui pousse Samantha à utiliser ses pouvoirs magiques. Bien sûr, devenir une sorcière ce n’est pas le message du sermon, mais plutôt : « Si vous avez des pouvoirs, il faut les utiliser »- sachant qu’on a fait du mot « pouvoir » un vilain mot qui signifie trop souvent domination et compétition, alors qu’il s’agit seulement d’être pleinement ce qu’on est. La leçon de l’évangile, et de « Ma sorcière bien aimée », c’est: Utilisez vos dons, même si vous devez vous faire un peu remarquer. Ne vous abstenez pas de faire de la magie pour rester une parfaite maîtresse de maison. Ironiquement (mais je commence à m’habituer à l’ironie divine) je me rends compte qu’aujourd’hui, j’ai fait un peu les deux en même temps.

Sermon 0117

 

Ce contenu a été publié dans Non classé. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

5 réponses à Guide de survie en milieu chrétien

  1. Julie dit :

    Il en pense quoi, ton chef, que tu veuilles démarrer ta propre église? ^^

  2. chantal dit :

    nous commençions à être en manque de sermons!celui là est le bienvenu…

  3. chantal dit :

    Je constate les avantages de la French list comment imaginer consacrer des oeufs et du lait???

  4. Sandrine S dit :

    Dans ma boite aussi on fait du télétravail.
    Mais le patron ne nous surveille pas H24

    Je suis sure que tes paroissiens d un jour ont adoré ce moment et qu ils en parleront à leurs petits enfants. Un petit moment de bonheur au cœur de la tempête.

    • Fanny dit :

      Affreux ! j’ai mis 5 mn à comprendre « Le patron ne nous surveille pas H24 » !
      Hé hé, tout le monde ne peut pas porter son patron dans son cœur 🙂

Répondre à chantal Annuler la réponse.

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *