I say yes, I say no…

Je ne sais pas si vous (et là je m’adresse uniquement à une moitié de mon lectorat), je ne sais pas si vous, donc, mais moi, il y a des jours, j’ai tellement l’impression d’être une femme que ça me déprime.

Enfin, l’impression.

Je suis une femme évidemment, et je ne m’en plains pas forcément (à part quelques jours par mois où je veux mourir) mais le truc c’est que parfois je m’entends parler et j’ai vraiment l’impression d’être une caricature de femme. Une « fille ». Et ça, ça m’énerve, d’être « une fille ».

« Non, je veux pas de gâteau, je suis au régime (…) je peux finir tes frites ? »
« Non c’est bon je n’ai pas besoin de cadeau (…) Comment ça tu ne m’as rien acheté ? »
« Bon tu peux me laisser bouquiner en paix 5 minutes (…) Qu’est-ce qui se passe, pourquoi tu me laisses toute seule ? »
« Pas de souci, je vais m’en occuper (…) ben dis-donc tu pourrais me donner un coup main ! »

AFFREUX.
INSUPPORTABLE.
Je m’achèterais pour me donner des baffes.

Le pire c’est que je m’en rends compte au moment où je le fais, mais c’est plus fort que moi. Dire oui quand je pense non, et dire non quand je pense oui. Enfin c’est plus fort que ça même : je dis oui et je pense oui, mais trèèèèès loin au fond de moi, dans le noyau interne de mon subconscient, c’est non. Et inversement, bien sûr. Alors, je sais qu’on passe pour des chieuses, mais franchement si c’est compliqué pour les mecs, moi je trouve que pour nous les femmes c’est carrément tuant de vivre en étant comme ça. (Au passage quand même, quand une fille dit non en criant et en se débattant, c’est que c’est VRAIMENT non, même dans les couches inférieures de son cerveau reptilien).

Vous le saviez déjà, naturellement.

Une chose que vous ne savez peut-être pas mes amis, c’est qu’il y a des féministes qui se sont penchées sérieusement sur la question de qui dit oui avec sa tête / qui dit non avec son cœur comme l’a écrit le poète. Et la conclusion c’est qu’apparemment, si on fait ça nous les filles, c’est pas forcément qu’on est des emmerdeuses professionnelles, c’est juste qu’on a été éduquées, conditionnées, lavagedecervellées, et ce pas seulement par nos parents ou nos grands-parents, mais par des centaines et des milliers d’années de civilisation. La femme qui, selon la première version de la Bible « homme et femme il les créa », est un être humain comme les autres. Un être humain qui donc, comme tout être humain, pense au sexe, voire fantasme (si !), aime manger des trucs gras (pas seulement du sucre), aime picoler aussi de l’alcool fort (pas que du kir royal, selon la version de Florence Forresti). Un être humain qui, d’une façon générale, est aussi parfois égoïste, paresseuse voire même, VOIRE  MÊME, en colère. Mais le fait est que, avant d’être tout ça, la femme est opprimée, soumise. Parce que, quoi qu’il en soit, dans la société, la femme est censée être une « good girl », c’est tout. Good girl, je ne sais pas comment traduire ça en français car ça veut tellement dire ce que ça veut dire en anglais. Good girl, pensez : Kate Middleton, qui fait trois bébés en quatre ans (et encore, d’après « US weekly », ce serait des jumeaux). Rester dans le rang, apporter la bière, dire ce qui fait plaisir, faire chauffer la pizza, agir de la façon conforme à ce qu’on attend de nous quand on veut désespérément faire autre chose (Boire des cocktails avec le maître-nageur). Bien sûr au 21eme siècle, des Kate Middleton ça ne court pas les rues ni même les palaces, heureusement, mais enfin – regardez comment sa frangine libérée passe pour ce qu’elle n’est pas.

Non, ce n’est pas facile d’être une femme, je me dis certains jours. Même si on a fait beaucoup de progrès, c’est dans l’inconscient collectif et surtout dans l’inconscient féminin. On n’arrive pas à exprimer ce qu’on veut vraiment parce qu’on pense que ce n’est pas avouable, alors on dit ce qu’on est censé dire, ou plutôt, ce qu’on pense être censées dire. Même si ça n’a plus de raison d’être. Par exemple, au 21eme siècle on peut tout à fait demander à son mari de faire une lessive, mais on n’ose pas (1), d’où le fameux : « Laisse, je vais le faire » qui nous vient si naturellement. On appelle ça un atavisme, la résurgence obstinée de quelque chose de très ancien. La société a tellement voulu nous mettre au pas qu’au final on est devenues des emmerdeuses et ça ne nous rend même pas heureuses (Rime riche vous remarquerez, presque un alexandrin).

Alors voilà, pour le bien être de mes paroissiens et surtout de mes paroissiennes, cette saison (liturgique, c’est à dire l’Épiphanie qui se finit juste avant le Carême) j’ai proposé une étude biblique sur les « Bad girls » et pas n’importe lesquelles, les bad girls de la Bible, ou plutôt les bad girls de la Genèse. Des bad girls, bien sûr, il y en a plein dans la Bible. Pas seulement l’effroyable Jézabel qui n’hésitait pas à faire assassiner son voisin pour pouvoir agrandir sa terrasse, mais même des femmes presque au-dessus de tout soupçon comme Rebecca, qui a quand même berné son mari sur son lit de mort pour faire hériter son fils préféré (car elle avait un fils préféré, la coquine). Ce qui est drôle car, quand on y réfléchit, la Bible c’est plutôt une histoire de bonhommes, et surtout la Genèse avec les fameux patriarches : Abraham, Isaac, Jacob, tout ça. Oui, mais quand vous y regardez de plus près, c’est souvent des femmes qu’il y a derrière tout ça, des femmes qui pleurent ou qui rient, des femmes qui tirent les ficelles, manigancent ou qui essaient juste de survivre, des femmes pleines de contradictions, de talents et d’idées préconçues, des femmes pleines de rancune et d’affection, à la fois jalouses et compatissantes, bref, pas des good girls, juste des femmes comme vous et moi. Des femmes que Dieu aime – follement.

Car une chose qui m’a frappée quand on a étudié l’histoire d’Ève, la seconde version, Ève qui sort de la côte d’Adam et qui croque la pomme tout ça, c’est que Ève c’est un peu le summum de la création. Le truc qui manque pour que tout soit parfait, et aussi, paraît-il, que Dieu a créé en dernier pour qu’elle ne puisse pas lui expliquer comment s’y prendre pour faire le monde (une blague misogyne que je trouve néanmoins très amusante). Bien sûr, Dieu a déjà bien compris car il crée Ève pour « aider », non pas lui, il gère, mais Adam – car Adam, il ne s’en sort pas tout seul pour trouver le sucre dans le placard (2). Ève est maligne, dégourdie, pas froussarde, elle discute avec le serpent, pose des questions sur la vie et sur la mort, sur les interdits et pourquoi elle ne peut pas être comme Dieu, après tout, belle mais aussi intelligente en plus. Etc. Pendant tout ce temps, Adam est planqué derrière en attendant de voir ce que ça donne tout ça, et quand elle lui dit : « Tiens mange, c’est bon pour toi », il fait mais il n’y est pour rien. Typique.

Bien sûr, je caricature, mais pour la première fois en lisant la Bible j’ai réalisé que l’Écriture n’essayait pas de nous dire pourquoi la femme est inférieure à l’homme, les auteurs de la Bible essaient d’expliquer – expliquer pas justifier – pourquoi, dans ce monde, cette société telle qu’elle est aujourd’hui, au moment où ils écrivent,  la femme est déchue à un rang inférieur à l’homme. Ils essaient de donner du sens à une situation qui n’a pas lieu d’être. C’est un peu ça la Genèse, c’est un livre qui essaie de répondre à la question : Qu’est-ce qu’il s’est passé à l’origine pour que le monde soit devenu comme ça ? Dieu a crée la femme pour être une compagne pour l’homme et l’homme pour être son compagnon. Amis, pas rivaux comme cela l’est si souvent, y compris, et même dans la plupart des cas, au sein des couples eux-mêmes. Des théologiens ont même approfondi la question en parlant de l’Adam et de l’Ève comme de principe féminin et de principe masculin, ce que je trouve être une explication assez satisfaisante pour les homosexuels. Enfin je ne sais pas ce qu’ils en pensent. Quoi qu’il en soit, voilà ce que dit la Bible: La femme, trop maligne, aurait à l’origine profité de la situation pour rompre l’équilibre avec son compagnon et la voilà déchue. L’homme, ne sachant pas la gérer, la fait taire. Essaie.

Mon mari, qui ne me fait jamais taire mais bien souvent me laisse parler, aime bien Ève dont il a pris cette jolie photo.

Ils ne sont pas tous comme ça, évidemment. Mon mari, qui ne me fait jamais taire mais bien souvent me laisse parler, aime bien Ève dont il a pris cette jolie photo.

Alors, est-ce que Dieu aime les femmes ou est-ce qu’ils les condamne à « accoucher dans la douleur » et à « désirer des hommes qui les font souffrir » (texto) ? Vous connaissez ma réponse bien sûr. Mais je m’en vais vous expliquer pourquoi, Dieu nous aime quand même, voire même follement.

Le problème c’est que ce qu’on lit dans la Bible comme une condamnation, c’est bien souvent seulement une conséquence. Une loi de la vie. Dieu dit : « Si tu fais ça, il va arriver ça. C’est tout. Dans la vie spirituelle, il y a des risques, exactement comme dans le monde matériel, se coucher sur les rails ou boire du liquide de refroidissement ça n’est pas recommandé car ça peut être dangereux. Le monde spirituel, comme le monde physique, a ses règles. Prenez le monde psychologique, à la frontière des deux. On lit souvent dans la Bible que : « La faute des pères retombent sur les enfants ». Eh bien, franchement, c’est affreux, mais qu’est-ce qu’il y a de plus vrai que ça ? Que les choses qui ne sont pas dites, pas faites, les secrets de famille, se transmettent comme la peste, comme l’inceste et comme l’alcoolisme, de génération en génération ?

Ève donc a fait une connerie. Je ne cherche pas à la défendre, mais je peux aussi la regarder avec compassion, comme Dieu qui, après l’avoir sérieusement engueulée, lui tresse un petit pagne car elle commence déjà se regarder de travers, se trouver trop moche, trop grasse, trop ridée. D’ailleurs Ève ne lui en veut pas non plus. À la naissance de Caïn elle s’écrie : « J’ai fait un enfant avec Dieu ». C’est pour dire.

Pas très sympa pour Adam bien sûr. Les femmes sont compliquées, c’est bien connu. Mais Dieu sait que aussi quand Ève a dit oui au serpent, elle pensait certainement non. Elle voulait sans doute juste lui faire plaisir, elle essayait seulement d’être une gentille fille, au final.

Tout ça pour, à la base, faire une courte introduction et vous présenter de jolies photos, enfin plutôt de jolis tableaux, enfin plutôt de jolies filles, du fameux Art Institute de Chicago. Parce que les filles on a beau dire, on se trouve plutôt moches, mais au final on est plutôt pas mal quand on regarde bien. Je me tais maintenant, profitez.

(1) Le fait de mettre ça par écrit, je me sens vraiment débile. Dites-moi que ce n’est pas que moi qui pars du principe que je suis de corvée de lessive comme les légionnaires sont de corvée de patates.
(2) Si quelqu’un a la moindre idée de pourquoi les hommes ne trouvent rien dans les placards, tiroirs, frigidaires, je suis preneuse – c’est pour moi un mystère presque aussi insondable que celui de la Sainte trinité (presque).
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5 réponses à I say yes, I say no…

  1. Julie dit :

    Le problème de ne pas se conformer à l’attendu sociétal, c’est la marginalisation… Je fais peur à la moitié de ma promo parce que justement, je suis une « bad girl »… Et c’est fatigant, je suis bien d’accord avec toi!
    Et j’aime beaucoup la manière dont tu présentes les choses, as usual!

  2. chantal dit :

    Il y a un moyen terme fort utilisé qd on hésite entre le yes et le no c’est « peut être », may be in english

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