Aux États-Unis, la Saint Valentin, c’est très démocratique – voire très commercial – ce qui, au pays du libéralisme débridé, revient à peu près au même, vous me direz. Vous le saviez déjà, bien sûr. Vous êtes comme moi. Vous avez vu plein de séries télé où les enfants écrivent des cartes à tout le monde, où les ados s’offrent des peluches géantes, où les parents invitent toute la famille au resto pour l’occasion. Ce qui est bizarre quand on vit ici, c’est que d’une certaine façon, on s’attend toujours un peu à être recadrés, à découvrir la vraie vie en se rendant compte que finalement nos clichés ne sont que des clichés, alors que ce qui se passe en général, c’est plutôt l’inverse. Tout ce que vous croyez savoir en sachant que sans doute ce n’est pas comme ça mais un peu exagéré parce que c’est des films ou des séries télé, vous vous rendez compte au final à quel point c’est vrai : Les flics – qui font vraiment peur avec des voitures de flic – qui font vraiment, vraiment du bruit. Les chants de Noël – non ce n’est pas la bande son débile du film qui veut ça, du 15 Novembre au 25 décembre vous entendez des chants de Noël dans tous les magasins, que vous alliez acheter de la Vitamine C ou une tondeuse à gazon (En l’occurrence, plutôt une pelle à neige cela dit).

Aux États-Unis, vous pouvez avoir plusieurs Valentins sans aucune atteinte à la moralité. Un principe plus facile à se rappeler avec son chat qu’avec son chef.
Eh bien, de la même façon, pour la Saint Valentin, tout le monde se souhaite la Saint Valentin. Comme dans les films. Et vous avez beau être prévenue, quand vous arrivez au boulot le Dimanche matin rise and shine à 7h 30 et que votre chef vous souhaite « Une bonne Saint Valentin », aussi majeure et vaccinée que vous soyez concernant la civilisation américaine, vous avez quand même une seconde d’hésitation – voire de panique – dans votre cerveau droit avant de répondre : « Merci, bonne Saint Valentin à vous aussi », votre cerveau gauche ayant volé à la rescousse vous rappelant en une fraction de seconde ce fameux épisode de « Sauvés par le Gong » ou des « Années coup de cœur » où à l’église et à l’école, tout le monde s’offre des ballons et des gâteaux en forme de cœur (les ballons et les gâteaux) sans qu’il n’y ait aucune atteinte à la moralité aucune – voire même c’est plutôt bien vu. Mais quand même, moi le 14 février, j’ai eu un peu chaud – et Xavier m’a avoué que ça lui a fait le coup aussi avec une paroissienne. Il lui a fallu un quart de seconde pour réaliser que son « Joyeuse Saint Valentin » c’était parfaitement innocent – bien que j’ai toujours des questions sur l’innocence de mes paroissiennes de plus de 65 ans dès qu’elle s’approchent de Xavier qu’elles jugent unanimement et inévitablement cute, surtout quand il enfile son costume de petit chanteur à la croix de bois pour participer à la chorale – mais bon, je leur accorde le bénéfice du doute. Il faut dire que cette année à l’église, tout le monde était un peu perturbé, puisque non seulement la Saint Valentin tombait un dimanche, mais en plus le premier dimanche du Carême – comme l’a finement observé mon chef : On ne sait pas si on doit s’abstenir de manger des bonbons, ou si on doit offrir des chocolats. Mais comme vous pouvez aussi l’imaginer, entre la fête populaire et l’ascétisme religieux, le dilemme n’a pas été bien long. Pour votre information, j’ai pris en photo le gâteau rose qu’on nous a servi à la pause café car je pense quand même qu’il valait des points :
Alors ne me demandez pas la recette, je n’en ai aucune idée, mais une chose est sure : c’est bon – car si j’ai tout disposé pour faire une photo à la base, au final j’ai tout mangé bien sûr. Je m’abstiens encore des gâteaux verts de la Saint Patrick car pour une raison ou une autre, quelque part entre mon cerveau droit et mon cerveau gauche, je juge encore qu’un gâteau vert c’est plus nocif qu’un gâteau rose, mais voilà où j’en suis. Quand je pense que je n’avais même pas droit à une cuillère de Nutella dans mon enfance, la vie a le don de vous rattraper et de faire valoir ses droits.
Alors oui – oubliant du même coup les leçons de ma mère sur les ravages de la malbouffe et les instructions de ma Sainte Mère (l’église) sur le jeûne et le Carême, j’ai cédé à la magie de la Saint Valentin, et surtout à sa commercialisation afférente et déférente, et je vous présente mon nouveau compagnon :
Bien sûr comme ça, ça un écureuil qui tient un cœur, ça l’air un peu ridicule, mais au final, quand vous vivez au pays depuis presque cinq ans, une peluche pour la Saint Valentin, c’est quasiment normal et c’est presque le minimum requis. Celui-là ayant en plus l’avantage de vous informer d’un idiotisme, donc c’est culturel. Nuts en anglais c’est un suffixe qui désigne toute sortes de noix : pea-nuts (cacahouètes) wal-nuts (noix) chest-nuts (châtaignes) hazel-nuts (noisettes), toutes choses dont les petits rongeurs des jardins sont friands au cas où vous auriez loupés mes 47 articles 1/2 sur la question. Mais aussi bien sûr, to be nuts, ça veut dire être un peu barjot, en français on dirait « avoir un grain ». Une référence sans doute à quelque chose qui doit se balader entre vos deux hémisphères, et qui fait que tout ne fonctionne pas toujours correctement, une référence en tous cas assez solide à l’état amoureux.
Pour en savoir plus, nous nous sommes rendus au théâtre pour voir Le songe d’une nuit d’été, et Shakespeare semble confirmer la chose : l’amour, ce n’est pas très sérieux. Ce qui prouve les limites du raisonnement à la française : demandez à un français pourquoi il ne fête pas la Saint Valentin, il vous répondra « Parce que c’est une fête débile » – ce qui, mes amis, est l’exacte raison pour laquelle les anglo-saxons célèbrent la chose. La Saint Valentin est une fête idiote car l’amour, c’est idiot. Figurez-vous. Ce n’est pas moi qui le dit, c’est Shakespeare qui, sous l’effet de quelques gouttes de poudre de perlinpin dans les yeux, fait s’aimer d’amour la reine des fées et l’idiot du village transformé en âne pour l’occasion – au cas où le message n’était pas bien clair, ils devaient être longs à la comprenade à l’époque aussi. Mais d’après le poète, en admettant que j’interprète correctement : Si l’amour est bête, contre toute logique cartésienne à la française, ce n’est pas une tare. C’est justement parce que l’amour est magique qu’il n’est pas logique. Ou intelligent. Et non, ce n’est pas grave de ne pas être malin, du moment qu’on est heureux.
Forts de cette nouvelle conviction, Xavier et moi avons embarqués – littéralement embarqués – pour la plus grande aventure romanesque de la capitale du monde libre et commercial : La croisière « Odyssée » qui comme son nom ne l’indique pas, loin de vous mener au bout du monde, vous fait descendre et remonter le Potomac au milieu des monuments illuminés – Le National Monument, le Lincoln et le Jefferson Memorial, le Kennedy Center – Ce qui au final n’est pas si mal. Pas de cyclope ou de sirène, rassurant, c’était plutôt ambiance Titanic : tout luxe à l’intérieur et moins dix sur le pont, mais pas de naufrage à la fin, et un petit orchestre qui joue du Sade remplace les violons. Roses, champagne à volonté et devinez quoi, gâteau en forme de cœur pour finir la soirée.
Alors je sais bien ce qu’on va me dire – quand on s’aime pas besoin de se le prouver. Je vais vous dire – forte de mon expérience de près de dix ans – l’amour, ça va sans dire, bien sûr, mais enfin, après avoir beaucoup réfléchi je me suis rendue compte que l’amour, ça va beaucoup mieux en se le disant. Et que se sentir unique et exceptionnel, loin d’être un luxe, c’est un besoin basique de l’être humain. Bon, en tous cas moi j’étais comme une reine pendant deux heures et demi. On est comme ça, nous les femmes. Et les hommes. On a besoin de se savoir aimés.
Alors qu’est-ce que l’église avait à nous dire en ce premier dimanche de Carême / Saint Valentin ? Eh bien à peu près la même chose, figurez-vous.
Avec un texte un peu inattendu dans ce contexte : les tentations de Jésus au désert. Pourtant, Jésus qui est tenté au désert ce n’est pas une question de savoir s’il va être assez fort pour résister ou pas. S’il va craquer sur le bout de pain ou le gâteau rose. (Bon, fin du suspense, Jésus ne craque pas). La question qui se pose, pour lui et pour chacun d’entre nous, c’est de savoir si on croit qu’on est abandonnés tout seul dans cette vie ou si on a la certitude d’être aimés, compris, accueillis, non pas pour des raisons logiques ou intelligentes, parce qu’on est beaux, bons ou aimables, mais juste parce que c’est Dieu qui en a décidé ainsi.
Un raisonnement ou plutôt un non-raisonnement poussé à l’extrême dans le cas du Pasteur Gerecke sur l’histoire duquel j’ai bâti mon homélie. le Pasteur Gerecke, c’est un aumônier américain qui a passé des mois au côté des nazis pendant les procès de Nuremberg, pour leur témoigner que, si aux yeux du monde ils étaient des monstres, aux yeux de Dieu, ils n’étaient pas encore foutus. Que s’ils le voulaient, ils pouvaient encore devenir des enfants bien-aimés. Un raisonnement ou un non-raisonnement dur à avaler, que peu de gens, y compris les gens qui ont la foi, ont du mal à partager. Le bouquin qui raconte l’histoire de Gerecke, je me le suis enfilé en deux jours, estomaquée. Comme je le dis eu début de mon sermon, je ne savais pas qu’il y avait un aumônier pour les nazis. Je savais encore moins qu’il y avait un Dieu pour les nazis. À Nuremberg pourtant, ils sont nombreux à s’être convertis. On n’y croit ou on n’y croit pas bien sûr, mais enfin, ils n’avaient rien à perdre, et rien à gagner non plus. Ils étaient condamnés d’avance de toutes façons. Au fil de ma lecture, incrédule moi aussi, je me suis demandée : Alors c’est ça ce que ça veut dire, que Dieu nous trouve dans le désert, que Dieu est miséricordieux, qu’il nous aime. Ça ne veut pas dire qu’il nous trouve sympa ou qu’il va être gentil avec nous. Ça veut dire qu’il nous sauve littéralement de la mort éternelle, de l’extinction du cœur, du cauchemar que peuvent devenir nos vies. Que Dieu aime les criminels, que Dieu soit prêt à pardonner aux nazis, c’est là que la question théologico-shakespearienne se pose : Est-ce que Dieu est tombé sur la tête, est-ce qu’il a de la poudre de perlinpin dans les yeux ? Cela serait vrai, bien sûr, si on ne croyait pas en un dieu crucifié qui a littéralement porté, c’est-à-dire vécu dans sa chair, toute la souffrance du monde. Un Dieu dont nous sommes pourtant, tous, les bien-aimés.
Enfin bref, si vous voulez en savoir plus, vous pouvez télécharger mon sermon. Je vous mets prime celui d’il y a quinze jours – que je n’ai pas pu prêcher pour cause de canalisations gelées à l’église (Pas de WC, pas de messe aux États-Unis…conceptuel, je sais!)
Certes ce n’est pas un jour dans l’année mais bien tous les jours qu’il faut dire aux personnes qu’on aime, qu’on les aime. Mais le quotidien a vite fait de prendre le dessus, alors finalement ce n’est pas pas une mauvaise chose qu’un jour dans l’année on se rappelle de se dire notre amour, tous les jours…
Et à chacun de choisir s’il souhaite céder ou non aux offres commerciales 😉
Perso je préfère ce jour là des attentions plutôt que des cadeaux, d’ailleurs mon chéri sait qu’il peut m’offrir des fleurs toute l’année sauf le 14 février !
Personnellement, j’avoue que si je peux avoir les attentions et les cadeaux (et les fleurs par la même occasion), je suis contente aussi. Et c’est le chéri qui cède aux offres commerciales, pas moi 😛
Je suis d’accord, il faut le dire tous les jours et se le rappeler tous les jours… Mais en même temps, la St Valentin aux US est elle vraiment dans cet esprit pour les américains? Pour vous, qui etes francais, c’est certain. Comme tu le dis, tu as eu un moment de surprise quand ton chef t’a proposé d’être un valentin… Du coup, quelle valeur le message a t il?
Et sinon, il faut toujours craquer sur le dessert si c’est une tarte tatin à la glace vanille… C’est l’univers qui me le dit! 🙂
Coucou Julie!! Long time not heard!! Il est vrai que je suis à la bourre aussi sur mon blog.
J’ai bien pensé à toi samedi, pendant les 4h qu’on duré une partie d' »Horreur à Arkham » endiablée !!
J’ai tenu le coup, une autre preuve d’amour pour mon chéri…
Ah ah je ne pense pas que mon chef voulait être mon Valentin, c’est juste une façon de dire.
Comme de souhaiter joyeuses Pâques, ça ne veut pas dire que tu te transformes automatiquement en lapin.
Mais enfin, la culture américaine est pleine de subtilités…